Irène est une jeune fille juive de 19 ans qui vit à Paris aux côtés de sa famille en 1942. Malgré l’insouciance de son jeune âge se profile un destin funeste que nous connaissons tous…
C’est la même année que sa fille Suzanne Lindon (Seize Printemps) que Sandrine Kiberlain a décidé de réaliser son tout premier long-métrage intitulé Une jeune fille qui va bien. Mais contrairement à sa fille, Sandrine Kiberlain bénéficie d’une longue carrière d’actrice.
Après avoir joué pour des réalisateurs comme Lautner, Audiard, Jacquot, Dupontel ou encore Maïwenn, elle sera prochainement à l’affiche de plusieurs films dont On est fait pour s’entendre de Pascal Elbé, Un autre monde de Stéphane Brizé, Chronique d’une liaison passagère d’Emmanuel Mouret (Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait) mais aussi Novembre de Cédric Jimenez (Bac Nord). Présenté à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes 2021 puis en avant-première au Festival francophone d’Angoulême avant sa sortie nationale début 2022, Sandrine Kiberlain déçoit avec sa première réalisation malgré une idée de fond intéressante. Telle mère, telle fille, dirons-nous…
On connaît la chanson
La Shoah est une tragédie historique surexploitée par le cinéma, qu’il soit européen ou américain. Beaucoup de films ont traité de ce sujet sous tous les angles possibles et inimaginables. Impossible de ne pas évoquer les classiques comme le documentaire bouleversant Nuit et Brouillard (1956) d’Alain Resnais, La Liste de Schindler (1993) de Steven Spielberg, La vie est belle (1997) de Roberto Benigni, La Rafle (2010) de Roselyne Bosch ou encore dernièrement Le Fils de Saul (2015) de László Nemes.
La Seconde Guerre mondiale a eu lieu 70 ans plus tôt, et on continue à faire des films sur cette période. L’antisémitisme aujourd’hui prouve que ces films restent essentiels et sont des outils d’éducation primordiaux. Mais encore faut-il pouvoir s’approprier le sujet afin de ne pas être une pale copie de son prédécesseur.
L’inconscience collective
Le point de vue de l’enfance est idéal pour confronter la violence et l’intolérance de la période. Jacques Doillon en témoignait dans Un sac de billes (1975), Louis Malle avec Au revoir les enfants (1987) ou encore Mark Herman avec Le Garçon au pyjama rayé (2008). Sandrine Kiberlain aborde la période à travers le regard d’une jeune fille de 19 ans, pas tout à fait une adulte car elle se comporte encore comme un enfant, mais suffisamment grande pour se faire son propre avis.
Le spectateur connaît cette période, ainsi, la réalisatrice décide plutôt de filmer le train de vie d’une jeune adulte sans s’appuyer systématiquement sur le contexte de l’époque – néanmoins posé par quelques éléments parsemés dans le récit : le port obligatoire de l’étoile jaune, la mention « juif » sur la « carte d’identité de Français », la réquisition d’éléments interdits aux juifs comme les vélos… C’est donc avant tout le point de vue d’Irène que nous adoptons. Il en découle alors une insouciance (intériorisée) de la situation et des priorités fixées sur ses amours, ses amitiés, et sa passion pour le théâtre. Mais cette intériorisation du contexte, signifiée par des évanouissements répétés, semble bien trop légère pour exprimer sa peur.
Jeux d’enfants
Si l’idée est intéressante à souligner, le film a davantage d’intérêt lorsqu’il s’intéresse finalement au contexte historique – d’une manière bien trop fragile, malgré les éléments qui y sont insérés. Le père et la grand-mère d’Irène ont quelques scènes de contradiction par rapport à ce qui leur attend, et le sujet est bien trop vite balayé par l’hyperactivité de leur fille. En préférant les problèmes d’adolescents au contexte dans lequel ils se trouvent, Une jeune fille qui va bien nous gêne parfois par sa mauvaise gestion de la comédie et du drame, avec des situations clichées et sans aucune subtilité quant à son dénouement.
Les acteurs n’en restent pas moins inspirés et livrent des performances qui permettent à eux-seuls de continuer à les suivre jusqu’à la fin. De la scène d’introduction où Irène répète une pièce en gros plan, à la joie qu’elle dégage à la fin du film, Rebecca Marder de la Comédie Française incarne parfaitement un personnage qui lui va comme un gant et qui peut que nous décevoir par ce gâchis.
Pour son premier long-métrage, Sandrine Kiberlain fait le choix judicieux d’aborder un sujet qu’elle semble connaître (ses grands-parents sont juifs polonais et son père auteur de théâtre). Mais elle ne va pas assez loin dans son audace pour nous surprendre, et Une jeune fille qui va bien tombe complètement à l’eau, n’ayant que ses acteurs pour l’empêcher de couler.