Dans Sound of Metal, Ruben (Riz Ahmed) joue de la batterie dans un groupe de métal, un duo qu’il tient avec sa copine Lou (Olivia Cooke). Musicien itinérant dans son camping-car/studio de musique, un énorme tatouage « Please kill me » sur le torse, Ruben est de ces marginaux qu’on rejette. Lou, quant a elle, arbore timidement de nombreuses cicatrices sur le bras. Malgré cela, tout a l’air d’une idylle entre les deux : une tournée de prévue et une relation saine entre eux. Réunis par l’amour de la musique, Ruben voit peu à peu son idéal s’éloigner lorsqu’il se rend compte qu’il perd l’audition.
Comment apprendre à vivre avec cette invitation à retourner vers ses vieux démons ? Outre un excellent concept introspectif, Sound of Metal se dote d’un sound design rarement aussi travaillé dans une oeuvre cinématographique : merci au talentueux Nicolas Becker, car c’est notamment grâce à cet élément que le film de Darius Marder est transcendé. Le spectateur se retrouve violemment propulsé dans la tête de Ruben, sourd en devenir, pour l’accompagner tout au long de ce processus d’apprentissage et, qui sait, d’acceptation.
Si le film ne va pas jusqu’à l’expérimentation extrême qui plongerait la salle dans une surdité permanente (ou presque), il y a une vraie pertinence dans l’alternance des séquences semi-subjectives et séquences externes. Le spectateur reste donc collé à un Riz Ahmed grandiose tout au long du métrage, passant du fameux sound of metal, à savoir l’acouphène qui tire vers le larsen, pour aller à la vision objective et gentiment triste de la réalité d’une discussion animée entre sourds, ponctuée avant tout de légers geignements et de coups sur les meubles pour attirer l’attention. Sound of Metal dépasse donc la simple quête introspective pour arriver à devenir une de représentations, celle d’une communauté encore très peu montrée.
Et pour cause, il semblait ardu de relever le défi d’exprimer à la fois cet entre-deux cauchemardesque dans lequel se trouve Ruben, et la vie d’une communauté de sourds limite sectaire. Le tout est finalement sublimé par la délicatesse de la relation amoureuse, moteur indispensable pour le décadent Ruben. Dans une scène à tendance niaiseuse, les deux se retrouvent enlacés dans le lit de la maison parisienne de Lou, à pleurer dans les bras l’un de l’autre. Pourtant, la vraie détresse perceptible durant tout le film explose enfin, de la façon la plus pudique qui soit. Ruben, cet ex-toxicomane à la recherche de la rédemption, se retrouve parfois contraint à se retrouver seul face à une feuille blanche jusqu’à ce qu’il exprime tout ce qu’il a à exprimer.
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