S’offrant à nous tel la boîte à souvenir enterrée au fond du jardin, Riddle of Fire est une œuvre remplie de nostalgie où contes et western cohabitent. Une bouffée d’air qui donne envie de partir cavaler en montagne, à bord de sa moto-cross de cow-boy.
Si nous avons pris l’habitude de lier le regard de l’enfance à celui des doutes ou du deuil de l’innocence, Weston Razooli nous replonge dans la rêverie des années 80 à la façon de Richard Donner ou Steven Spielberg. Plus loufoque et déséquilibré que ses prédécesseurs, il nous invite au lâcher-prise et à l’aventure au cœur d’un film rétro.
« Il était une fois un trio d’enfants cherchant à craquer le code parental de leur nouvelle console et aussi la parfaite recette de la tarte à la myrtille, une secte de braconniers, une petite fille qui a des dons elfiques… »
La petite maison dans la prairie
Prenez votre billet direction la côte westonienne et préparez vos rétines à une esthétique vintage dont le grain et les couleurs vives vous laisseront un arrière goût de vacances d’été. C’est avec une pellicule 16mm et du vert et bleu pigmentés que le jeune réalisateur nous replonge en enfance. Quoi de mieux pour cela que des forêts à perte de vue, des maisons en bois ou des voitures de collection ? Mais pas seulement ! Tout un travail de mise en scène brouille notre perception du temps avec une attention portée aux tenues, aux décors d’intérieurs mais aussi aux repas présentés.
Un travail de composition minutieusement appliqué, dont on peut d’autant plus profiter grâce aux cadres et aux lumières si naturels que nous offre Riddle of Fire. Sans surprise, ces derniers se réfèrent à ceux même de l’enfance du réalisateur. Un réalisme qui nous ferait presque regretter de ne pas avoir plus de part de fantastique dans le scénario. Il gronde autour du film une envie de plonger en enfance, notamment avec de subtils effets sonores empruntés aux jeux vidéos, qui donne envie d’en avoir plus. Le réalisateur n’y trempe que le bout de l’orteil, peut-être faute de moyens.
Mais si la fantaisie manque à l’image, nous la retrouvons au son. En plus des légers effets sonores saupoudrés dans le film, la musique est, quant à elle, un réel tour de force. Le genre du dungeon synth accompagne l’aspect fantasy comme mystique du film. Nous renvoyant à nos parties de World of Warcraft, nos souvenirs du Seigneur des Anneaux ou aux côtés plus lugubres de films à mystère, la piste musicale offre toute une atmosphère « néo-féérique » au film, comme se prête à le nommer le réalisateur.
Les copains d’abord
Au cœur de la vallée, se dessinent trois silhouettes. Chevauchant leurs motos-cross, ces petits cow-boys modernes enchantent nos cœurs par la maladresse de leur jeu et l’alchimie qui en émane. Nous reviennent en tête les paroles : « Je sais qu’c’est pas vrai mais j’ai dix ans. Laissez-moi rêver que j’ai dix ans », tant nous souhaitons vagabonder à leurs côtés. Reprenant quelques stéréotypes aperçus chez les adultes (comme le fait de parler de la fille dès son dos tourné), il fait tout de même sincèrement plaisir d’observer Alice mener la troupe. Si nous avions pour habitude de suivre des groupes masculins, ici c’est la jeune fille la plus courageuse (et dangereuse).
Armés de leurs pistolets de paintball, rien ne les arrête. Le trio d’aventuriers, certes délaissé par ses figures d’autorité, est libre et maître de son destin. Rappelant les personnages des Goonies ou de Stranger Things, la crainte ne fait pas partie de leur vocabulaire. Même de nuit, la forêt est source d’aventure et tout ce qui compte est d’accomplir la mission, quoi qu’il en coûte. Ce que nous n’aurions peut être jamais pu imaginer vivre enfant, le réalisateur nous l’offre avec Riddle of Fire.
Dans la lignée des thèmes abordés dans le précédent court métrage Anaxia de Razooli, il est alors question de jeunesse versus adultes (souvent étranges et à côté de la réalité), de vols (avec malice) ou des innombrables scénarios qu’offre la nature. Des plans afin de détourner le réel, détourner les règles de la logique et de la sagesse.
Le secret de Té’Razooli
Entre les enfants perdus de Peter Pan et le conte du Petit Chaperon Rouge, se cachent Alice, Jodie et Hazel. Si ce n’est pas à la grand-mère qu’il faut ramener la tarte, c’est à la maman endormie dans sa tour. Quant aux enfants perdus, ils ont troqués leurs peaux de bêtes contre des vêtements tachés par la boue et des égratignures aux genoux. Un conte de fée revisité aux références de notre génération, où tous les chemins ne mènent qu’à un but : jouer aux jeux vidéos.
Si les références et souvenirs du réalisateur sont évidents, il est important de souligner que le film parvient également à s’en détacher. Les aventures farfelues de Jumanji reviennent en tête, mais ici aucun plateau de jeu ne vient justifier les décisions insensées des personnages. Nous plongeons alors dans une forme de jeu de rôle où tous les obstacles semblent dérisoires et les choix effectués d’autant plus inattendus.
De tout son long, le film parvient à nous faire rire et nous attendrir par son aspect burlesque et fantastique. Mais la dernière demi-heure se fait ressentir. Si l’aspect « écrit au tournage », ou quelque peu improvisé, donnait un réel charme jusque là, il finit malheureusement par étouffer la part magique du film.
Comme un coup de peinture reçu en plein coeur, Riddle of Fire ravive l’éclat de nos souvenirs d’enfance avec les liens indestructibles de l’amitié, des jeux vidéos et de la sorcellerie. Une immersion parfois maladroite, qui donne (très) bon espoir pour la suite de la carrière de son réalisateur !