Il était une fois, un couple heureux habitant à Boston. Martha était enceinte et allait bientôt accoucher. Sean attendait impatiemment l’arrivée de sa fille. Ils étaient tout les deux prêts à devenir parents. Mais peu après l’accouchement qui a eu lieu à leur domicile, leur fille qui venait tout juste de naître décède de manière obscure. Brisés, la vie ne sera plus jamais pareille pour eux. Et pourtant, Pieces of a Woman explore les fragments d’une reconstruction, ceux qui permettent de renaître…
Cette dernière décennie, des réalisateurs acclamés comme Martin Scorsese (The Irishman), Alfonso Cuaron (Roma), Bong Joon Ho (Okja) ou dernièrement David Fincher (Mank) ont vu leurs films être diffusés sur Netflix. Avec les salles de cinéma fermées jusqu’à nouvel ordre, l’actualité cinématographique telle que nous l’entendons dans un sens classique ne risque pas de voir le jour dans un avenir proche. Grâce à Netflix, vous serez servis avec Pieces of a Woman, le premier film anglais de l’hongrois Kornél Mundruczó. Favori pour les Oscars 2021, c’est le premier rendez-vous cinéma de l’année à ne rater sous aucun prétexte !
L’histoire du Temps (Septembre)
Pieces of a Woman s’ouvre sur le quotidien agité de Sean, travaillant sur la construction d’un nouveau pont à Boston. Élément essentiel et principal du film, le pont caractérise le parcours de nos tourtereaux et plus particulièrement de Martha dans ce combat où la notion du temps est importante. Kornél Mundruczó divise le film en huit mois distincts à l’aide de la construction du pont, représentant indirectement l’avancée du film, mais aussi le long chemin à parcourir pour arriver au bout de celui-ci. Huit, comme le nombre de mois où Martha a porté sa fille. Huit, comme pour dire : la boucle est bouclée. Dès le départ, malgré le fait que leur fille ne soit pas encore née, Martha et Sean sont dans l’après-coup : il souligne qu’il doit finir le pont pour que sa fille y fasse ses premiers pas, ils achètent une voiture leur permettant d’accueillir leur petite fille…
Le temps prouve très rapidement qu’il jouera une place non-négligeable dans le récit du film, Mundruczó joue avec lui en décidant d’étirer sur plus d’une vingtaine de minutes un plan-séquence éprouvant où Vanessa Kirby et Shia Labeouf (on parlera de son cas un peu plus tard…) nous plongent dans un état de stress. En plus de voir apparaître un premier imprévu (une sage femme qui remplace celle qui était initialement attendue) dans un début de film où tout se déroulait comme sur des roulettes, le rythme en est bouleversé et provoque en nous une immersion absolue et inattendue.
Une fin d’année compliquée… (Octobre, Novembre, Décembre, Janvier) :
Après la disparition de leur fille, le cinéaste inaugure son concept temporel et nous plonge dans leur quotidien pendant plusieurs mois (sept exactement). Il pourrait avoir recours au pathos mais évite systématiquement cet écueil. Pieces of a woman se focalise sur les séquelles physiques et psychologiques de cet évènement tragique et destructeur dans la vie d’un couple, plus particulièrement dans la vie d’une femme. Sean n’est pas épargné par le chagrin, mais c’est Martha qui devient très vite la protagoniste principale du film. Il aborde avec beaucoup de sensibilité le regard de l’autre, tantôt révélateur d’une pitié impossible à cacher, tantôt révélateur d’un besoin viscéral de donner un avis que personne n’a demandé.
Parmi d’autres éléments traités dans le film, la place accordée à la culpabilité permet d’amorcer l’autodestruction du couple, où l’amour se transforme en dégoût, un espace sain en environnement toxique. L’occasion d’aborder les relations toxiques avec le personnage de Sean parfaitement interprété par Shia Labeouf, qui n’a pas du chercher bien loin pour trouver une inspiration… Poursuivi en justice par son ex FKA Twigs, l’acteur est accusé de violences physiques, morales, mais aussi sexuelles (elle a déclaré qu’il la forçait à dormir nue et lui aurait volontairement transmis une maladie sexuellement transmissible). Netflix l’a écarté de la promotion du film mais également de la prochaine saison des awards.
Tout finit par s’arranger (Février, Mars, Avril)
En plus de la situation difficile et des relations toxiques qui entourent Martha (son conjoint et sa mère), le réalisateur en rajoute une couche afin d’illustrer l’impossibilité d’éviter cette souffrance, car le passé est partout : les enfants l’entourent au quotidien que ce soit dans les lieux publics ou dans les discussions qui régissent la sphère privée, le mal-être se fait également ressentir via les médias qui communiquent partout sur l’affaire du siècle : une sage-femme aurait été négligente… Si le réalisateur n’aura jamais recours au pathos, c’est en grande partie parce qu’il parvient à disséminer les fragments d’une reconstruction dans ces différents segments temporels.
Kornél Mundruczó utilise à la fois l’évolution de la construction du pont (comme évoqué plus haut) et l’image de la pomme (ainsi que la germination) pour permettre à Martha de renaître. Pieces of a Woman accorde de l’importance aux non-dits, aux silences et trouve un juste équilibre pour laisser pleinement s’exprimer le talent de Vanessa Kirby (The Crown), subtile interprète de Martha et détentrice de la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine à la Mostra de Venise 2020. À l’heure actuelle, l’Oscar de la meilleure actrice se jouera sans aucun doute entre Viola Davis (Le Blues de Ma Rainey) et Vanessa Kirby.
De la destruction vient l’autodestruction avant de parvenir à la reconstruction. De la perte au renouveau, Pieces of a Woman est un film qui ne délaisse pas son personnage principal et le guide jusqu’à la guérison.
Pieces of Woman sera disponible sur Netflix à partir du 7 janvier 2021.