L’Étrangleur de William A. Wellman (Les Ailes, Une étoile est née…) est un film complexe et méconnu, à l’image de la vaste filmographie de son réalisateur.
Dans un souci de réalisme qui anima toute sa carrière, Wellman met en scène une communauté d’artistes de cabaret face à une série de meurtres. Adapté d’un roman de Gipsy Roe Lee, célèbre danseuse burlesque, L’Étrangleur interroge l’industrie du spectacle et le rôle de l’art dans l’Amérique des années 1940.
Dixie est l’une des vedettes d’un spectacle burlesque dans un opéra de Broadway transformé en cabaret. Lolita, l’une des actrices de la troupe, est retrouvée assassinée. Dixie est très vite soupçonnée à cause de la rivalité qui existent entre elles. Lorsqu’un second meurtre se produit, Dixie décide de mener l’enquête pour démasquer l’assassin.
La comédie humaine
Si un mot devait résumer la carrière de William A. Wellman, ce serait réalisme. Il est de ceux qui considèrent que la vie est un théâtre, et que le cinéma se doit de le mettre en scène. Son réalisme ne tient donc pas d’une captation directe, presque objective du réel, mais davantage dans une reconstitution minutieuse de ce dernier. Quel meilleur lieu pour cela qu’une scène de théâtre ? Filmant avec la même intensité les scénettes de cabaret que les dialogues en coulisses, Wellman ne fait aucune distinction entre le jeu sur scène et celui en dehors.
Car si l’intrigue relève d’un whodunnit classique, le déploiement de celle-ci est beaucoup plus original qu’il n’y paraît. Il faut attendre la moitié du film pour que le premier meurtre se fasse. À l’image de ses autres films, Wellman s’empare des schémas narratifs classiques pour dédramatiser toutes situations. Ce qui l’intéresse ici est moins la découverte du meurtrier en soi (celle-ci sera traitée de manière expéditive) que de filmer un groupe d’artistes et ce qui le caractérise.
L’art et l’industrie
Ainsi, bien que l’affiche soit portée seule par Barbara Stanwyck, il y a de la Comédie humaine dans le foisonnement de personnages et dans l’importance qui leur est donnée. À la manière de Balzac, le réalisateur s’attarde sur certains détails qui peuvent paraître anodins (un sketch sur scène, des dialogues en coulisses, l’architecture du théâtre) mais qui caractérisent en réalité ses personnages. Sans jamais les juger, Wellman nous expose la vie de ces derniers et leur relation à l’art qu’ils pratiquent. Une question semble ainsi avoir obsédé le réalisateur d’Une étoile est née : l’art est-il fait pour remplir des salles ?
Tout pourrait se résumer dans le premier plan où un fondu enchaîné nous fait passer des néons Coca-Cola à ceux de l’ancien Opéra devenu cabaret…
Ce film confirme une fois de plus que William Wellman est un des plus grands réalistes du cinéma hollywoodien. L’Étrangleur n’est peut-être pas son film le plus abouti, mais il serait hasardeux de le négliger, tant il comporte en son sein une réflexion intéressante sur l’industrie du spectacle et nos relations humaines.
Le film bénéficie d’une ressortie DVD / Blu Ray par Artus Films
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