Lucien, jeune poète de province part s’installer à Paris accompagné de sa protectrice et maitresse Louise. Livré à lui-même dans ce nouvel environnement, il y découvre les coulisses d’un monde cruel, contrôlé par le profit et les faux-semblants. Un véritable parcours initiatique se met en place, passant de l’amour à la souffrance pour ne pas se laisser absorber par des illusions…
Pour son huitième long-métrage, Xavier Giannoli s’attaque à un mastodonte de la littérature française : Illusions Perdues d’Honoré de Balzac. L’œuvre est d’une richesse et d’une complexité telle, qu’il paraissait utopique d’en réussir une adaptation qui puisse en transmettre les enjeux. Féru de littérature classique, et s’entourant d’une équipe de comédiens assez extraordinaires, Giannoli nous livre un film total qui ne manque pas de captiver. En conférence de presse, il indique, les larmes aux yeux, que l’immense Bertrand Tavernier l’a encouragé fortement dans cette aventure, et qu’Illusions Perdues fut le dernier film qu’il lui montra.
La malhonnêteté parisienne
Si une qualité du film nous explose au visage dès son premier quart-d’heure, c’est bien la cohérence de son univers. Le spectateur s’enfonce sans difficulté dans les abîmes d’une France du XIXème siècle, royalement orchestrée par un metteur en scène rigoureux. Une partie de l’audience peut rapidement se lasser de l’exposition, lente et rêveuse, mais se verra rattrapée férocement lors de la montée à Paris. Au rythme des aventures de Lucien de Rubempré, la caméra s’aventure dans l’intimité des salons de la capitale et nous traine entre le plomb et la sueur des rédactions libérales.
Hautement questionnable sur la morale, le spectre complet de la pourriture des magouilles parisiennes nous est présenté. Filmées et montées avec justesse, ces scènes étouffent le spectateur par leur vitalité et la surcharge de personnages à l’écran. En effet, les accalmies se font rares dans l’œuvre, au point que chaque scène d’intimité joue son rôle à merveille.
Alternant entre la bourgeoisie populaire et la grande noblesse royaliste, c’est un véritable portrait de leurs tourments qui nous est dépeint. Jamais diabolisant et toujours caricatural, le film fait rencontrer à son personnage de nombreuses opportunités de se trahir lui-même. Mais si le film dure 2h30 et peut effrayer dans cette époque où regarder une œuvre pendant tout ce temps peut paraitre énorme, tout est pensé pour rattraper le spectateur et le chérir.
Avengers made in Francophonie
Il est impossible de traiter le film en faisant abstraction de son attrait principal : son casting XXL. Il est frappant de voir que tous les interprètes semblent s’amuser à jouer leur personnage (oui oui, même Gérard Depardieu). Mais la plus-value la plus intéressante nous vient du Québec : Xavier Dolan. A la fois en voix-off et devant la caméra, il apporte son talent pour une performance poignante, dans le personnage le plus important dans l’avancée du récit. Masquant avec brio un accent si reconnaissable, il prouve à tous qu’il est un cinéaste total.
Le reste de la troupe s’en sort tout aussi bien. Benjamin Voisin et Vincent Lacoste sont aussi attachants que détestables dans leur rôle de jeunes journalistes satyriques. La première partie du film leur laisse une place énorme pour briller, ce qu’ils se permettent sans mal. Illusions Perdues n’est donc pas qu’un récital d’interprètes « bankables » sans âme, mais une véritable réunion de générations d’acteurs et d’actrices prouvant que la passation se fera sans difficulté pour notre cinéma français.