Ariane (Love in the Afternoon) : Wilder at heart

Ariane

Parmi les classiques immortels du réalisateur Billy Wilder, Ariane n’est pas forcément celui que l’on nomme en premier.

Ariane, sorti en 1957, est enserré en moins de cinq années par les célébrés Sept ans de réflexion (1955) et Certains l’aiment chaud (1959). De fait, il s’éclipse souvent derrière ses derniers dans les Dvdthèques des cinéphiles. C’est pourtant une œuvre au cœur du style Wilder dans la filmographie fertile du réalisateur austro-américain. L’occasion de réparer cet injuste état de fait, avec la sortie d’un riche coffret collector DVD/BLU-RAY par Carlotta Films, restaurant le métrage et ses coulisses.

À Paris, le détective Claude Chavasse (Maurice Chevalier) enquête sur des affaires d’adultère. En particulier, ceux causés par le milliardaire américain Frank Flanagan (Gary Cooper), de passage en France. Sa jeune fille Ariane Chavasse (Audrey Hepburn), curieuse et naïve, va tomber sous le charme du séducteur.

Lubitsch, please

Avant de dérouler le fil d’Ariane, rappelons l’importance d’Ernst Lubitsch dans la carrière de Billy Wilder. Tous deux juifs et germanophones, tous deux immigrés ; Lubitsch, ayant quitté l’Allemagne après la première guerre mondiale et devenu réalisateur établi d’Hollywood, donnera sa chance à l’autodidacte Wilder, de quatorze ans son cadet, pour rédiger ses scénarios. Ensemble,  maître et élève, ils concevront deux classiques de l’époque, La Huitième Femme de Barbe-Bleue (1938) et Ninotchka (1939). Wilder, tout au long de sa carrière, n’aura de cesse de rendre hommage à l’élégance narrative de son mentor et sa délicate mise en scène des sentiments. Ariane, par la subtilité des passions qu’il dépeint, la pudeur discrète de ses émotions, est probablement le film le plus lubitschien de Wilder, celui qui concrétise cet héritage, dix ans après la disparation brutale du maître allemand.

C’est aussi un film pivot entre deux générations : la première collaboration à l’écriture de Billy Wilder et I.A.L. Diamond, à l’époque trentenaire et fringant script doctor débauché à la Fox. En adaptant le roman Ariane, jeune fille russe de l’écrivain français Claude Anet, ils écrivent ensemble le premier succès d’une longue série. Pendant plus de deux décennies, naitront sous leurs plumes d’autres grands classiques, comme Certains l’aiment chaud (1959), La Garçonnière (1960), Embrasse-moi idiot (1964), Fedora (1978)… Tout un pan du cinéma mondial.

Born to be Wilder

Mais passer du script à l’écran ne se fait pas sans heurt. Cary Grant, premier choix de Wilder pour incarner le playboy Frank Flanagan, refuse le rôle. Grant, 53 ans alors, se juge trop vieux pour séduire à l’écran la nouvelle star féminine Audrey Hepburn, 28 ans. Le duo se formera pourtant six années plus tard dans Charade de Stanley Donen, mais l’occasion est ici manquée.

Billy Wilder, toujours en souvenir de Ernst Lubistch, se rabat sur Gary Cooper, qui avait tenu le rôle-titre de La Huitième Femme de Barbe-Bleue, presque 20 ans plus tôt. Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins, pour que le charme de Coop’ opère encore. Mais le double oscarisé accuse déjà 57 printemps, et un cancer l’emportera trois années plus tard. Sur la pellicule d’Ariane, Gary Cooper n’est plus l’ardent bourreau des cœurs de chez Lubitsch. Les traits fatigués, la mine lasse, il cache sa carrure massive dans les cadrages en clair-obscur que drape Wilder, bienveillant devant le déclin physique du monument.

Nos étoiles contraires

Cette différence d’âge de trente années dans le couple d’amants Hepburn/Cooper surprend le public. Elle fait pourtant toute la singularité d’Ariane aujourd’hui, l’unique croisement des trajectoires divergentes et opposées de ces deux étoiles d’Hollywood. L’une ascendante, en pleine lumière et au début de sa carrière. L’autre décroissante, déjà dans l’ombre et au crépuscule de sa vie.

Le duo est merveilleusement complété par Maurice Chevalier, veillant sur sa fille chérie tout en enquêtant sur Flanagan et ses multiples conquêtes parisiennes. Son rôle de papa-poule le révèlera au public américain, et lancera sa carrière outre-Atlantique.

Audrey hepburn et Maurice Chevalier

Car point trop de tragédie. Chavasse n’est pas Minos, pas plus que Flanagan n’est Thésée. Ariane est avant tout une agréable comédie de mœurs, jouant avec malice sur le cliché de la frivolité supposée des parisiennes et parisiens, comparé au puritanisme américain. Paris est une fête et autorise toutes les fantaisies sentimentales, tous les amours d’après-midi, à tous les âges. Le Paris de Billy Wilder n’est qu’un fantasme de cinéma, mais un fantasme intemporel, vibrant et libre, précieux au cœur de chaque génération.

Disponible en coffret ultra-collector (BLU-RAY + DVD + LIVRE 160 pages)  et édition single (BLU-RAY et DVD) chez Carlotta Films

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