Si le phénomène des gilets jaunes commence peu à peu à s’éloigner de nos esprits, le cinéma ne semble pas avoir tourné la page. Dans La Fracture, il s’avère toutefois que le mouvement ne soit que purement utilitaire pour dévoiler tout un ensemble de failles sociales.
Raf (Valeria Bruni Tedeschi) est une bourgeoise parisienne, Yann (Pio Marmaï) est un routier nîmois. Les deux se rencontrent, entre autres nombreuses personnes, dans un hôpital parisien, un soir de manifestation des gilets jaunes. Bien entendu, Yann est un manifestant, tandis que Raf semble débarquer d’une autre planète. La nuit passée dans l’hôpital semble alors être l’occasion idéale pour reboucher une blessure profonde, celle d’une fracture sociale.
Tous les malheurs du monde
Si le film part sur de bonnes intentions, celle d’embrasser un large spectre social tout au long de son récit, il s’avère en réalité que le service des urgences, dans lequel les personnages évoluent en huis-clos, est le prétexte parfait pour aborder mille et une causes. Yann, comme de nombreux gilets jaunes et autres manifestants, a été blessé par la police. Alors que les urgences sont overbookées, toute la réflexion que fait la réalisatrice Catherine Corsini se calque sur une multitude de revendications sociales ultra-présentes dans le paysage médiatique de ces dernières années.
Il y a bel et bien des personnages principaux, mais ces derniers se trouvent vite occultés par cette volonté démesurée de vouloir traiter de tous les problèmes du monde. S’enchaînent alors des scènes sur les injustices sociales, sur les conditions de travail du personnel soignant, sur des histoires d’amour compliquées,… Tout cela s’accélère jusqu’à un point d’orgue qui ne semble jamais arriver, un climax qui ne fait que se perdre à nouveau dans le discours social du film.
Un cinéma (trop) militant ?
Symptomatique du cinéma militant, La Fracture n’offre pas de réels moments de cinéma, si ce n’est un Pio Marmaï toujours aussi excellent, jonglant entre différentes sensibilités. À l’opposé, tant diégétique qu’extra-diégétique, Valeria Bruni Tedeschi livre toute la panoplie de la petite bourgeoise horripilante, dont la candeur arrache parfois un (sou)rire.
Difficile alors de ne pas questionner l’utilité et la légitimité de certaines scènes inutilement infantiles où les deux se rencontrent, allant à contre-sens de toutes les causes que Catherine Corsini s’échine à ériger à côté. Le film souffrant déjà d’un manque de temps pour finir de raconter tout ce qui a été mis en place, était-il réellement nécessaire d’infliger au spectateur des séquences au mieux sympathiques, au pire complètement hors propos ?
Tout ce gloubi-boulga ne prend donc jamais forme et ne développe jamais des personnages qui n’apparaissent alors plus que comme des caricatures antipathiques. La seule chose qu’il reste de positif est la volonté naïve de la réalisatrice d’avoir cru pouvoir construire un récit où s’entremêlent autant de problématiques sociales.