Heroic Trio de Johnnie To, melting pot de modes et d’influences, survit à l’opportunisme de son projet et propose un spectacle réjouissant à l’énergie communicative
Heroic Trio : La police hongkongaise est confrontée à une série d’enlèvements de bébés. Incapable de mettre fin à ces rapts, elle va devoir compter sur l’aide de la Justicière-volante et d’une chasseuse de primes. Une troisième femme va bientôt se joindre à elles, dotée du pouvoir d’invisibilité…
Trois Femmes
Johnnie To est réputé pour son pragmatisme. Et s’il a su faire prospérer sa société de production Milky Way, c’est en acceptant que des projets plus alimentaires financent d’autres plus personnels. Heroic Trio précède cette période-là de quelques années, puisqu’il date de 1993, mais se caractérise déjà par certains choix opportunistes ou répondant à des impératifs commerciaux et industriels plutôt qu’artistiques.
Par exemple, Heroic Trio pourra rétrospectivement apparaître comme précurseur du girl power¸ mais si la production s’est tournée vers le trio d’actrices légendaires Anita Mui/Michelle Yeoh/Maggie Cheung, c’est surtout parce que leurs alter ego masculins (parmi lesquels Jackie Chan, Andy Law et Chow Yun Fat), d’abord envisagés par la production, étaient bien trop chers.
Chaque actrice vient avec son propre univers cinématographique : Michelle Yeoh assure ses propres combats et brille lors des chorégraphies, sans pour autant démériter dans le rôle le plus tragique parmi les trois. Anita Mui – presque trop qualifiée pour son rôle – incarne un cinéma plus institutionnel et évolue dans un registre plus mélodramatique. Quant à Maggie Cheung, on se souvient ici de ce que son statut d’égérie de Wong Kar-Wai avait fini par nous faire oublier : qu’elle avait d’abord occupé des rôles de rebelles maladroites. Elle officie donc ici comme un improbable comic relief, gaffeuse, vénale et, dirait-on aujourd’hui, badass.
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Trois Films
Le film doit certainement son thème et son existence au succès des Batman de Burton, dont il reprend aussi certains éléments visuels. Ce n’est pas la seule influence de Heroic Trio, qui ne saurait être circonscrit au seul genre du film de super héros. Hybridation du Girls With Guns et du Wu Xia – et hybridation au sein même du Wu Xia puisqu’il conjugue la brutalité et le réalisme d’un « The Blade » et le fantastique bariolé d’un « Zu, les guerriers de la montagne magique » – il est aussi troué de pulsions gores (et se montre particulièrement cruel avec les enfants) qui le rapprocheraient presque d’un catégorie III. Il n’oublie pas non plus d’être politique, et son pitch de départ (un eunuque qui kidnappe des enfants qui seraient des réincarnations de l’empereur de Chine) évoque l’angoisse de la rétrocession de Hong-Kong qui se profile.
Les chorégraphies d’action, réglées par Ching Siu-tung (co-réalisateur officieux ici, et officiel dans Executioners) impressionnent, même si on les aurait aimées plus nombreuses. En résulte un joyeux bazar, un film dont la cohérence n’est pas la première qualité mais qui remporte l’adhésion par son énergie débridée et le peu de limites qu’il s’impose.