Après avoir revisité Philip K Dick avec Blade Runner 2049, Denis Villeneuve s’attaque à une autre œuvre majeure de science-fiction : Dune. Le film est une adaptation convaincante et spectaculaire augurant le début d’une saga épique au cinéma.
An 10 191. Les Atréides, dirigés par le Duc Leto, prennent possession d’Arrakis, planète la plus stratégique de la galaxie puisqu’on y trouve la fameuse « épice » nécessaire aux voyages dans l’espace. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de la planète désertique, Paul Atréides prend conscience que son destin hors du commun est lié à celui de cette mystérieuse Dune.
Le messie Denis Villeneuve
Né sous la plume de Frank Herbert en 1965, ce monument de science-fiction n’en est pas à sa première tentative d’adaptation. Entre le projet avorté de Jodorowsky dans les années 70 et la version de Lynch en 1984, Dune est devenu l’exemple type du roman inadaptable au cinéma. C’était sans compter sur Denis Villeneuve qui remplit son ambitieux contrat avec cette épopée de science-fiction spectaculaire et prouve le besoin fondamental d’un genre de blockbuster plus mature dans le paysage cinématographique actuel.
Dès les premières scènes, l’immersion est totale et le réalisateur canadien impose son tempo afin de nous transporter dans une autre réalité. Son sens de la mise en scène amplifie le potentiel visuel du roman et chaque plan, comme un tableau, fourmille de détails dans ses décors, costumes et effets spéciaux. Jouant avec le cadre et les échelles, Denis Villeneuve noie ses personnages dans de majestueux plans larges pour mieux nous faire ressentir l’ampleur de leurs enjeux et l’immensité de cet univers où les vaisseaux monolithiques déplacent les océans au décollage. De la photographie désaturée de Greig Fraser (Zero Dark Thirty, Rogue One) à la partition tribale de Hans Zimmer, l’univers visuel presque tactile et l’ambiance sonore quasi-sismique du film sont d’une cohérence exceptionnelle et participent à une immersion réaliste et puissante.
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Une fresque épique et intime
Plus de 50 ans après sa parution, les thèmes abordés par Dune restent contemporains. Satire à peine déguisée du monde occidental exploitant les ressources du Moyen-Orient, il est question d’oppression coloniale, d’impérialisme, d’écologie ou encore de religion. L’une des réussites du film est la contextualisation de son univers et, si l’ensemble peut paraitre déboussolant pour les novices, le scénario de Villeneuve, Roth et Spaiths simplifie la complexité de l’œuvre originale pour laisser priorité à l’émerveillement.
Au milieu de cette fresque spatiale épique, Dune est également une tragédie familiale et les excellents choix de casting permettent rapidement de comprendre les relations entre chaque personnage sans surcharger la narration. Denis Villeneuve pare le métrage d’une perspective plus intime en filmant le regard d’une mère sur son fils, mais aussi le récit initiatique d’un jeune homme qui sent son destin basculer. Timothée Chalamet incarne parfaitement Paul Atréides, et arrive à nous faire ressentir le poids de sa destinée prophétique, tandis que Rebecca Ferguson livre une interprétation solide entre mère angoissée et guerrière mystérieuse aux motifs incertains.
On attend la suite
Outre ces deux protagonistes, on notera la performance élégante d’Oscar Issac en Duc Leto, les interventions charismatiques de Jason Momoa en Duncan Idaho ou l’allure effrayante de Stellan Skarsgård en Baron Harkonnen. Malheureusement, face au grand nombre de personnages, certaines interprétations se retrouvent vite limitées. Josh Brolin est plutôt discret, tandis que les apparitions de Zendaya et Javier Bardem ne sont qu’un teaser pour la deuxième partie.
Cette potentielle suite est le point faible de Dune. Ne couvrant que la première moitié du premier livre, la structure en ressort impactée. Denis Villeneuve essaye de trouver l’équilibre entre exposition et action tout en se livrant à l’exercice complexe de scinder l’œuvre en deux parties. Sans pour autant éluder l’histoire, son apparence d’origin story longue de plus de deux heures ne peut que poser les bases d’enjeux complexes et son climax intervient beaucoup trop tôt. Résultats des courses : le film a du mal à tenir le rythme dans son dernier tiers et la fin se révèle assez frustrante.
Dune n’est pas exempt de défauts, mais il est définitivement le grand spectacle attendu. Denis Villeneuve dévoile une expérience cinématographique aussi visuelle que sonore et réussit le pari de transporter le spectateur dans un univers complexe et vertigineux pendant plus de 2h. Un premier volet époustouflant qui se regarde avec plaisir et laisse présager, malgré la légère frustration, une suite de grande envergure.
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