Yannick de Quentin Dupieux : Pour l’artiste, chapeau bas

Yannick Raphael Quenard

Loin des costumes moulants ou des voyages dans le temps… Quentin Dupieux marque son retour avec Yannick, un film plus que jamais surprenant.

Annonçant son existence à peine un mois avant sa sortie en salles, Yannick est l’œuvre estivale à ne pas rater. Un film écrit sur mesure pour Raphaël Quenard, acteur phare du moment, qui pose un regard sans filtre sur l’art, le divertissement et la suffisance.

En pleine représentation de la pièce « Le Cocu », un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt le spectacle pour reprendre la soirée en main…

Yannick
(c) Diaphana

Nonfilm, Nonthéâtre

Le rendez-vous est donné, une à deux fois par an : le réalisateur apparaît pour donner un coup d’éclat au cinéma de l’absurde. Alors que le public attendait son prochain projet : Daaaaaali !, il leur fait la surprise de dévoiler soudainement Yannick. Une sortie tout aussi inattendue que la noirceur qui se dégage du film. Dès les premières minutes, le spectateur entre dans un cinéma où il sera tout aussi prisonnier que le public filmé.

C’est à travers un huis clos totalement démuni d’artifices et de fantaisie, que nous observons une pièce de théâtre en chute libre. Il nous est alors douloureux de regarder cette pièce, aux acteurs inanimés et éteints. C’est également douloureux pour le public clairsemé, dont Yannick fait partie. Se pose alors la question de “subir l’art”. Doit-on machinalement écouter et observer une œuvre, sous prétexte qu’elle est artistique ? Yannick décide que non. Pour lui, l’art est synonyme de divertissement. Comme pour de nombreuses personnes, l’art servirait d’échappatoire à la réalité, et ici, à un quotidien peu épanouissant et routinier.

Yannick j’aime ton flow

Quentin Dupieux, comme à son habitude, dépeint des portraits de personnages hors de la société, quelque peu loufoques et atypiques. Mais ici, la tristesse et le manque d’attention prennent le dessus. Si la solitude des personnages du Daim ou encore de Wrong pouvait nous toucher, là, elle force la remise en question et la tendresse. Le personnage dépasse certes les limites du moralement juste – on n’interrompt pas, d’ordinaire, une représentation. Pourtant, partageant son expérience de spectateur, nous ne pouvons que comprendre sa frustration. Lui qui cherchait à avoir du « baume au cœur », se retrouve face à un drame mal joué aux lumières sinistres.

Avec Yannick, Dupieux décide donc de ne pas s’appuyer sur les ressorts comiques pour faire avancer son histoire, mais plutôt sur la précision de ses dialogues. Sa direction d’acteurs est menée au mot près, avec un jeu de la répartie accentuant la mise sous pression des scènes. Raphaël Quenard et Pio Marmaï enrôlent leurs personnages avec sang froid et justesse, ne nous lassant pas une seule seconde durant l’heure qui défile sous nos yeux. Des rôles faits sur mesure, confirmant le talent naturel des deux acteurs qui n’ont cessé de prouver leur ténacité ces dernières années.

Yannick
(c) Diaphana

Alors oui, « pour l’artiste, chapeau bas ». Tourné en 6 jours à peine, dans un désolant théâtre, Quentin Dupieux fera bien taire les critiques qui disent de lui qu’il ne sait pas se renouveler. Car c’est avec une œuvre troublante que le réalisateur marque son retour afin de remettre en question le spectateur sur sa considération de l’autre, comme sur la part d’insouciance et de lumière qu’il a en lui.

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