Des pleurs, le bruit des vagues. La voix d’une mère qui accueille son enfant dans le monde. Autant d’éléments qui constituent l’ouverture de True Mothers de Naomi Kawase (Label Cannes 2020), film sensible et poétique sur la question de l’adoption. Si pour beaucoup de cinéastes japonais (Kitano en tête), la mer est un présage de mort, Kawase choisit de la relier à la vie et à la (re)naissance.
Après la mer vient la ville. Pour la première fois, dans True Mothers, Naomi Kawase fait de la ville, moderne et bruyante, un décor de son cinéma. Ceci, afin de mettre en parallèle l’histoire de deux femmes.
La première, Satoko (Hiromi Nagasaku) est la mère adoptive du petit Asako, six ans. La seconde, Hikari (Aju Makita) en est la jeune mère biologique. Dans un récit entrecoupé de retours sur le passé, on découvre le long et douloureux chemin vers l’adoption entrepris par le couple formé par Satoko et son mari, ainsi que les raisons ayant poussé Hikari à se séparer de son enfant à naître. Kawase propose un point de vue pertinent sur les liens familiaux et les problématiques relatives à l’adoption.
Le documentaire au cœur de la fiction
True Mothers partage avec La Loi de Téhéran (également sorti ce 28 juillet) une certaine tendance à mêler fiction et documentaire au sein de sa diégèse. Cet élan documentaire n’est pas étranger à quiconque connaît les précédents efforts poétiques de la réalisatrice japonaise Naomi Kawase. On retient notamment dans sa filmographie les scènes à fulgurances intimistes et réalistes dans une maison de retraite de La Forêt de Mogari (2007). Ici, c’est au cœur d’un segment consacré à Hikari, la mère biologique d’Asato – l’une des deux « vraies mères » du titre –, que le film bascule temporairement dans son versant documentaire.
Au plus près de l’expérience de la jeune femme, Kawase pose un regard respectueux et attendrissant sur les rapports d’entraide et de sororité qui constituent les fondations de l’association Baby Baton, où Hikari est accueillie le temps de sa grossesse. Ce foyer d’accueil pour jeunes femmes enceintes, dirigé depuis plusieurs années par Mme Asumi, rend possible le « faire famille » pour ces jeunes femmes délaissées et ostracisées par leur foyer à la suite de la découverte de leurs grossesses – rarement désirées.
On ne naît pas mère, on le devient
La force de True Mothers réside moins dans sa structure narrative en plusieurs temps – qui semble parfois se perdre en cours de route – que dans son propos. Ce dernier admet en effet qu’il ne suffit pas d’un lien de sang pour créer un véritable lien familial, inexorable et indestructible. Les figures parentales biologiques y sont majoritairement absentes. Et lorsqu’elles sont présentes (c’est le cas des parents d’Hikari), se résignent au choix violent de l’abandon, en dépit des liens du sang les unissant à leurs enfants.
Au contraire, les figures parentales adoptives (Satoko et son mari), du fait du difficile chemin parcouru jusqu’à l’adoption, semblent autrement plus lucides quant à la préciosité de ce lien. En effet, c’est lorsqu’Asato est accusé d’avoir blessé un de ses camarades de classe que Satoko semble prendre véritablement conscience du lien qui l’unit à cet enfant qu’elle n’a pourtant pas porté. A travers un élan protecteur irrépressible – elle est persuadée, à raison, que son fils n’a rien fait –, Satoko réalise qu’elle est devenue une vraie mère.
Après une tentative périlleuse et maladroite de reconnecter les deux histoires entre elles – le film change radicalement de ton lors de certaines séquences où l’on doute de la bienveillance d’Hikari lorsqu’elle demande à entrer en contact avec Asato –, Kawase fait s’évanouir toutes les craintes dans une séquence finale émouvante, participant à la redéfinition des frontières de la famille traditionnelle.
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