À chaque film, les personnages de Tom Cruise s’entendent dire que cette fois, c’est la fois de trop. Et à chaque film, ils repoussent évidemment les limites. Mais pour combien de temps encore ? C’est tout le sel de Top Gun Maverick, qui continue d’élever la légende de Tom Cruise. Une légende qu’il construit lui-même depuis quatre décennies.
Entre hommage à une époque dorée mais révolue et regard mélancolique vers l’avenir, Top Gun Maverick est une nouvelle réussite. C’est aussi une nouvelle preuve que le cinéma de grand spectacle réfléchi et intelligent n’est pas mort.
Devenu testeur d’avions pour la Marine, Pete « Maverick » Mitchell (Tom Cruise) commet une énième erreur qui lui vaut l’ire de ses supérieurs. Mis à pied, il est malgré tout sauvé par son ami Iceman (Val Kilmer), devenu très haut gradé dans l’armée. Ce dernier l’envoie pour une dernière mission là où tout a commencé : l’académie Top Gun. Là-bas, Maverick devra entraîner ses contemporains pour l’aventure la plus dangereuse jamais réalisée. Mais aussi naviguer ses émotions entre Penny (Jennifer Connelly) son nouveau love interest, et surtout Rooster (Miles Teller), le fils de Goose, son partenaire mort dans le premier volet.
Une suspension d’incrédulité indispensable
Avant de parler du positif, il est nécessaire d’aborder tout ce qui fait de Top Gun un film profondément américain. Comme dans la plupart des blockbusters, le scénario tisse des ficelles plus ou moins grosses, plus ou moins acceptables. Il convient de les dépasser pour apprécier pleinement l’expérience. On passera ainsi sur l’aspect « géopolitique pour les nuls », qui se prive bien d’identifier un ennemi au-delà de vagues descriptions pour ne froisser personne. De même pour la construction de certains personnages, qui remplissent une simple fonction, à l’image d’Hangman singeant l’Iceman de Val Kilmer.
Cette suspension d’incrédulité effectuée, on accepte que la mission dévolue à Maverick et ses élèves, – détruire une base d’enrichissement d’uranium -, ne s’embarrasse ni de nommer l’Iran, ni de donner corps à l’ennemi, ni évidemment de préciser qu’une telle mission n’a aucune chance d’être lancée dans la réalité. En réalité, le cœur de l’histoire est autre part. Il s’agit pour Tom Cruise de parler de lui et de son image. Ou comment, dans un monde où la technologie rend les hommes obsolètes, Cruise tente de se réinventer autant qu’il accepte son destin : passer le flambeau et enfin raccrocher les gants.
Une ode au cinéma populaire
Mais l’essence de Top Gun, ce n’est pas seulement ça. C’est aussi et surtout le spectacle bigger than life, à base de chorégraphies toujours plus osées dans les avions, et d’enjeux toujours plus grands qui n’oublient jamais d’être intimes. Sur le plus grand écran que vous pourrez trouver, Top Gun vous offrira le spectacle que plus personne à part Tom Cruise ne sait offrir. Toutes les cascades sont vraies et la réalisation de Kosinski, bien plus maîtrisée que celle de Tony Scott, sait magnifier l’ensemble.
Spectacle ébouriffant, Top Gun Maverick est donc une célébration du cinéma dans son sens plus pur. Un spectacle introuvable ailleurs, dans lequel le spectateur est respecté autant qu’il est émerveillé. Et au milieu de tout ça, le film réussit à toucher là où on ne l’attendait pas. De la relation avec Rooster à la scène avec Val Kilmer, en passant par les hommages jamais trop appuyés au film de 1986, Top Gun Maverick distille l’émotion de manière pertinente. Même l’intrigue avec Penny, la fille de l’amiral rapidement évoquée dans le premier film, est savamment dosée.
Tout est intelligemment façonné pour toujours mieux cerner la figure de Tom Cruise : l’une des dernières superstars masculines d’Hollywood. L’acteur sait qu’il est plus proche de la fin que du début et construit sa vie avec ses films. Petit à petit, les hommes vieillissent et doivent laisser la place. Mais jamais Tom Cruise ne pourra laisser la sienne sans défier une dernière fois les lois de la physique et impressionner son public, avec le panache et l’audace d’une époque révolue.
À l’ère du streaming et du fond vert, Top Gun Maverick montre que l’espoir d’un cinéma de grand spectacle populaire, tout en étant exigeant, est encore permis. Au fond, la recette est simple. Des cascades toujours plus folles, une romance bien amenée, un héros fort mais terriblement humain. Et puis surtout, surtout, des corps parfaitement construits et superbement huilés qui se passent une balle sur la plage au soleil.