The Voices plonge le spectateur dans le quotidien de Jerry, personnage aussi perturbé que perturbant.
Incarné par Ryan Reynolds, le personnage principal de The Voices est en réalité atteint d’une schizophrénie qu’il peine à contrôler puisqu’il se refuse à prendre le traitement adéquat. Il préfère passer ses journées en compagnie de ses deux animaux, un chien et un chat avec lesquels il s’imagine entretenir certaines discussions.
S’éloignant de tout bon sens, le long-métrage de Marjane Satrapi permet au spectateur d’incarner Jerry (Ryan Reynolds) et d’être par cette occasion, extrêmement proche de sa schizophrénie. Jerry n’appréhende pas le monde au même titre que ses semblables, ce qui donne lieu à des situations extrêmement particulières. Pour commencer, Jerry parle continuellement à ses deux animaux de compagnie, Bosco et Monsieur Moustache. L’un représente sa sagesse intérieure et l’incite à commettre des actes raisonnés. L’autre le pousse à aller jusqu’au tréfonds de ses pulsions…meurtrières. En effet, si Jerry peut clairement entendre la voix de ces deux êtres poilus, c’est simplement parce qu’en réalité, il ne s’agit que de sa propre voix intérieure. La balance penche constamment entre le bien et le mal. Un dilemme qui occupe les pensées du personnage jusqu’à la fin de l’histoire.
La double face de Jerry
Même si l’œuvre traite de sujets sérieux – la maladie mentale et le traumatisme d’enfance -, elle ne manque pas de décalage entre ses lignes narratives sanglantes et son visuel qui déborde d’une énergie positive. Tout est cependant ajusté avec intelligence. D’ailleurs, l’histoire commence comme une vraie comédie romantique. Jerry, le personnage principal, n’a rien du séducteur sûr de lui. Lorsqu’il ose inviter la magnifique Fiona (Gemma Arterton) à dîner, celle-ci le plante à son triste sort. Jerry est seul, désespérément seul. Cependant, Fiona connaît à son tour un triste sort : elle se fait poignarder de plusieurs coups de couteaux incontrôlés. Jerry commet son premier crime et abandonne cette facette du marginal laissé pour compte. Le scénario se transforme en film d’épouvante.
L’une des forces de cette réalisation, est la capacité à faire pivoter le spectateur d’un point de vue subjectif (celui de Jerry) à un point de vue externe grâce aux autres protagonistes qui gravitent autour de lui. Même si Jerry n’est en rien un personnage innocent, puisqu’il peut tuer de façon brutale, son irrationnalité permet de nouer une certaine compréhension à son égard. La présence de Lisa (Anna Kendrick) ouvre une nouvelle voie à cet anti-héros. Grâce à elle, Jerry comprend qu’il n’est peut-être pas voué à se faire rejeter sans cesse. Il est décidé à ne pas lui faire le moindre mal, mais cette histoire d’amour étrange a-t-elle une chance d’exister ? C’est la question qui se pose en deuxième partie de récit.
L’amour fou ?
Lisa, présentée comme l’amie de Fiona un peu en retrait en début de film, ne cache pas son intérêt pour Jerry. D’abord prise pour cible par le dérangé meurtrier, elle devient bien vite à ses yeux une nouvelle conquête à préserver. Finalement, la réalité ne cesse de venir s’entrechoquer avec l’imaginaire que se crée Jerry, pour se protéger de toute la cruauté générée autour de lui. L’esthétique joue d’ailleurs énormément avec ce procédé : après avoir tué Fiona, Jerry décide de conserver sa tête et de la placer bien sagement dans son frigidaire. Il voit alors le visage de celle-ci comme une entité toujours bien vivante avec laquelle il peut interagir, au même titre que ses animaux. Loin de lui l’idée de considérer cette victime comme un cadavre en putréfaction. Jerry n’admet de vrai que sa propre réalité.
Le personnage joué par Anna Kendrick est plein d’innocence. Lisa paraît éveiller la partie positive et censée de Jerry. Dans un premier temps, ces deux personnages semblent s’être réellement trouvés. Or, lorsqu’elle découvre sa véritable identité, elle ne peut l’accepter. Le monde réel gagne et celui de Jerry s’effondre. Aucune véritable histoire d’amour ne peut naître. The Voices brise définitivement tous les codes du film romantique et condamne son personnage principal à une fin tragique. Il est condamné à ne pas être aimé. Sa part obscure l’emporte lorsqu’il tue finalement Lisa et se résigne à vivre dans son monde hors d’une réalité qui lui est insensible.
Marjane Satrapi, la réalisatrice, réussit le pari de ne jamais réduire The Voices à un ton trop grave et sérieux. Au contraire même, elle dédramatise les actes de son personnage principal et donne une saveur particulière au récit. L’originalité de ce scénario est savoureux, malgré quelques scènes écœurantes.
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