The Fabelmans de Steven Spielberg : L’homme à la caméra

Autobiographie Steven Spielberg Fabelmans

Long live the King ! Seulement un an après la sortie de son West Side Story, Steven Spielberg signe un retour remarqué avec The Fabelmans.

Se penchant sur le périlleux exercice du film autobiographique, le cinéaste étale toute sa classe et sa technique au service d’une œuvre grandiose. Une oeuvre qui n’attend plus que les années pour devenir un jalon incontournable du cinéma américain. The Fabelmans peut déjà se vanter de ses deux Golden Globes (meilleur film dramatique et meilleur réalisateur).

Le jeune Sammy Fabelman tombe amoureux du cinéma après que ses parents l’ont emmené voir The Greatest Show on Earth. Armé d’une caméra, Sammy commence à faire ses propres films à la maison. Pour le plus grand plaisir de sa mère qui le soutient…

© Universal Pictures France

Fascination et créativité

Les yeux rivés sur l’écran de cinéma, la magie opère. Aussi simpliste l’idée soit elle, c’est dans ce propos que se rejoignent les principes narratifs de The Fabelmans. À travers les yeux de son personnage principal Sammy, le récit nous initie dès son ouverture à la fascination pour un art du spectacle, depuis une époque dont seuls nos grands-parents peuvent encore attester.

Ce propos résonne tout particulièrement quand on se retourne vers la filmographie de son cinéaste. E.T, Ready Player One ou encore Jurassic Park... Le spectacle produit la fascination. La fascination produit le désir, produisant lui-même la créativité.

La redécouverte des oeuvres

Si l’autobiographie n’est pas chose aisée, Steven Spielberg a saisi la fine ligne d’émotion à ne pas franchir pour que le spectateur continue de se sentir accueilli par le récit. Cette prouesse passe notamment par la narration, et sa capacité à saisir l’émotion par la fascination de l’image. À plusieurs reprises, Spielberg nous fait entrer dans son intimité de jeunesse, dans la conception de ses premières œuvres cinématographiques. Ces projets de jeunesse n’impressionnent pas nécessairement au premier regard. Mais la puissance de leur imagerie frappe quand ils renaissent dans la diégèse de The Fabelmans. Pour la majorité des spectateurs, ce sera leur premier visionnage de The Last Gunfight ou Escape to Nowhere, les deux premiers court-métrages du réalisateur. C’est justement sur ce point-ci que la fascination intervient. The Fabelmans ne se contente pas de s’offrir lui-même comme objet de cinéma. Il dévoile au plus grand nombre des œuvres et des séquences d’une innocence fascinante.

Toute la filmographie de Steven Spielberg fait écho à sa jeunesse et à ses rapports familiaux. The Fabelmans vient apporter une conclusion à la définition même que le cinéaste se fait de son art. En jetant un coup d’œil en arrière, on y retrouve des comédies, de grands drames, de l’aventure ou des films historiques. Parfaite illustration de ce que beaucoup ont tendance à négliger : les films ne sont pas définis par leur catégorisation de genre. Et cela, Steven Spielberg l’a compris depuis des décennies. Mêlant des astuces d’horreur à des récits chevaleresques ou portant une histoire d’aventure avec des ficelles narratives naturalistes, son cinéma peut se réinventer et surprendre au fil des séquences. The Fabelmans est la copie définitive d’une œuvre immense, établie depuis près de quarante ans.

L’exercice de l’autobiographie

S’il est un piège dans lequel il ne faut pas tomber en racontant un récit, c’est la mécanisation des personnages secondaires. Oui le récit est nécessairement centré sur son protagoniste, oui il est le chef d’orchestre des interactions. Mais en proposant une telle œuvre, le spectateur doit pouvoir continuer à croire crédible l’univers dans lequel il est plongé.

The Fabelmans, brillant dans sa gestion de la famille du protagoniste, pêche néanmoins lorsqu’il s’agit d’interagir avec le reste de son panel de personnages. Les péripéties, notamment dans les séquences à l’école, semblent moins naturelles et laissent parfois entrevoir des ruptures non-essentielles dans le récit. Pour autant, ce décalage dégage une mélancolie particulièrement cohérente avec ce que transmet l’œuvre.

Le pouvoir du vrai

Qu’est-ce qui différencie deux films traitant de sujets similaires ? Formellement, tant Babylon (pour un exemple récent) que The Fabelmans traitent du rapport au cinéma de leur cinéaste respectif. Cependant, le jeune Damien Chazelle traite d’une époque vieille d’un siècle, qu’il n’a pas lui-même connue. En racontant sa propre histoire, Steven Spielberg joue la – malicieuse – carte de la nostalgie avec son audience.

Avec de longues séquences au sein de sa famille ou des emphases sur la plus banale des actions, le cinéaste américain se laisse la possibilité de toucher le plus grand nombre. Avec The Fabelmans, son réalisateur signe son œuvre la plus nostalgique, sentiment foncièrement bénéfique, tant pour les millions d’yeux qui regardent le film que pour son cinéaste légendaire.

© Universal Pictures France

Les débats sont ouverts. Film testamentaire ? Reverra-t-on Steven Spielberg ? Quoi qu’il en soit, The Fabelmans conte une fresque de vie brillante, expliquant aux spectateurs tout ce qu’ils ont pu aimer chez le cinéaste depuis quarante ans. Drôle, émouvant, nostalgique ou bien surprenant, tant de qualificatifs nous viennent en tête à la sortie de salle. Une chose est certaine, si le film a ses défauts, il restera cependant gravé dans l’esprit pour quelques temps.

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