En ce début de siècle des salles obscures, les productions sud-coréennes s’affirment comme un pôle d’influence majeur du cinéma mondial. Parasite, Memories of Murder, The Strangers… les exemples de films singuliers et réussis ne manquent pas, aussi bien dans leurs thématiques que par la variété de leurs genres. En compétition au Festival de Gérardmer 2021, The Cursed Lesson du duo Jai-Hong Juhn et Ji-han Kim, prouve que Séoul sait aussi réaliser des thrillers d’épouvante stéréotypés et sans originalité.
Au détour d’une banale mission de voisinage, la police arrête une jeune femme, Bo Ra (Kan Mi Young), prise en flagrant délit d’assassinat de ses voisins octogénaires. Sans mobile apparent mais visiblement possédée, Bo Ra ne dévoile qu’au compte-goutte la motivation de son geste fou. Les suspicions semblent pourtant converger vers… l’école de yoga new-age qu’elle fréquente assidument. En montage alterné, la trentenaire Hyo Jeong (Lee Chae Young), mannequin en fin de carrière, cherche à repousser les affres de la vieillesse. Sa quête la dirige vers le cours de yoga en question. Elle y découvre d’autres femmes à la recherche de l’éternelle jeunesse et des méthodes soi-disant révolutionnaires – mais déjà vues dans beaucoup d’autres films.
Korean Beauty
En première lecture, The Cursed Lesson possède de belles qualités plastiques, dans la grande tradition du cinéma sud-coréen. C’est un film techniquement solide, doté d’une direction artistique séduisante. Sa photographie et ses lumières sont soignées, sa mise en scène élégante. Les apparences sont immédiatement agréables à l’œil du spectateur. Formellement, le film s’inscrit dans une réécriture moderne du film de vampires, assez classique. Elle est opportunément rehaussée d’une esthétique porno-chic certes aguicheuse, mais malheureusement aussi banale qu’un film érotique d’Adrian Lyne. Fondamentalement, The Cursed Lesson tâche de creuser son scénario en piochant lourdement dans l’ésotérisme bouddhiste. Il emprunte ça et là le symbolisme du 3e œil, du Kundalini ou encore celui du Serpent nāga. Là encore, le décorum est séduisant. Pourtant, il ne dépassera pas le stade de la note d’intention un peu creuse, ne se développant jamais au-delà de son énonciation.
A Cure for Insomnie
Passé donc le premier quart d’heure d’attention, le spectateur risque donc de piquer du nez et manquer la leçon. Jai-Hong Juhn et Ji-han Kim essaient pourtant de ménager son intérêt et le suspens de leur intrigue. Ils échafaudent une narration complexe, constituée d’allers-retours, entre l’enquête policière et la secte yogi, entre la réalité et le cauchemar. Si cette structure baroque a le mérite de l’effort, elle recourt là encore à des artifices de montage vus et revus. On pense notamment au trope du catapult nightmare : L’héroïne Hyo Jeong se réveille en sursaut sur son lit avec un regard caméra à peu près toutes les vingt minutes.
Au final, cette narration épuisante manque de clarté, nous perdant au fil des minutes dans le labyrinthe de son montage. Et ce ne sont pas les quelques jump-scare placés ça et là, qui parviendront à nous extirper de cette torpeur sop-horrifique. En témoigne ce long et démonstratif épilogue, qui explique poussivement les twists de sa trame, comme le ferait un prestidigitateur penaud détaillant son tour de magie raté à une audience incrédule.
Le thème de l’éternelle jeunesse est un classique de l’horreur, depuis Le Portrait de Dorian Gray jusqu’à A Cure for Life, en passant par The Neon Demon, entre autres. Approfondir les notions d’Être et de Paraitre demande non seulement de la subtilité, mais aussi une bonne dose d’originalité. Tel est le paradoxe de The Cursed Lesson, la démonstration par l’absurde du film : traiter la superficialité en étant lui-même superficiel.
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