JSA (Joint Security Area) : Amis ennemis

Joint Security Area (JSA)

Après une première sortie de la version restaurée en 2018, JSA (Joint Security Area), premier film majeur de Park Chan-wook (Mademoiselle, Oldboy) se décline enfin dans une splendide édition collector supervisée par The Jokers et La Rabbia, vingt ans après sa première diffusion en salles.

D’abord méconnu du public français, c’est la consécration d’Oldboy au Festival de Cannes, sous l’égide de Quentin Tarantino, qui conférera au réalisateur coréen ses lettres de noblesse sur notre territoire. Après deux échecs commerciaux en Corée du Sud (Moon Is the Sun’s Dream en 1992 et Trio en 1997) c’est avec la sortie de JSA (Joint Security Area) que Park Chan-wook parviendra progressivement au statut de réalisateur majeur de la Nouvelle Vague Coréenne, aux côtés de Bong Joon-ho, Lee Chang-dong ou encore Kim Jee-woon.

Song Kang-ho dans JSA de Park Chan-wook JSA (Joint Security Area)

Les Deux Corée

A l’heure où les tensions entre les deux Corée ne cessent de s’amplifier, il semble pertinent de s’aventurer au sein de ce film profondément humaniste qu’est JSA. Pour reprendre les mots de Park Chan-wook lui-même, c’est bien parce que la situation entre les pays n’a guère évolué depuis le début des années 2000 que JSA ne donne pas l’impression d’être daté. Officiellement toujours en guerre malgré la signature de l’armistice de Panmunjom en 1953 marquant la fin de la guerre de Corée et la création de la zone démilitarisée (DMZ) séparant le territoire, les  deux Corées, basées sur des idéologies fondamentalement différentes, semblent encore aujourd’hui incapables de panser les blessures infligées par ce conflit.

Construit sur une structure narrative semblable à celle de MademoiselleJSA (Joint Security Area) s’intéresse en premier lieu  à l’assassinat de deux soldats de l’armée nord-coréenne par le Sergent Lee Soo-hyeok (Lee Byung-hun). Le major Sophie Jean (Lee Young-ae) suissesse d’origine coréenne et membre de la Commission de supervision des nations neutres, est envoyée sur les lieux pour résoudre ce conflit  et ainsi éviter l’incident diplomatique. A l’écoute des témoignages du Sergent Lee ainsi que ceux du Sergent Oh (Song Kang-ho) et du Sergent Nam (Kim Tae-woo), également présents lors de l’altercation, le Major Jean relève d’évidentes contradictions dans les différentes versions entendues. Souvenirs et témoignages se confondent et s’affrontent dans cette construction en trois actes – à la manière du Rashômon  de Kurosawa – dominée par un long  flashback central révélant la véritable nature des rapports entre les quatre soldats.

Une mise en scène stylisée

Car si JSA (Joint Security Area) se pare d’abord des atours du film de guerre, c’est pour finalement mieux explorer sa dimension humaine, véritable moteur du long-métrage. Tourné au sein d’une période de « détente » entre les deux Corées, avec la tenue de Sommet de Pyongyang entre Kim Jong-Il et Kim Dae-Jung en juin 2000, marquant le début d’un processus de pacification des relations entre les deux pays, JSA laisse entrevoir les hommes cachés derrière les uniformes et les opinions politiques divergentes.

Dans cette œuvre à la réalisation stylisée, qui laissait déjà entrevoir tout le potentiel d’un réalisateur à l’origine de véritables chefs-d’œuvre, Park Chan-wook propose une vision humaniste du conflit entre les deux pays et choisit de ne jamais diaboliser les soldats du camp d’en face. Derrière la guerre et les déchirures, il y a des deux côtés de la frontière des hommes profondément meurtris par cette fracture nourrissant l’espoir d’une réunification, maintes fois symbolisée à travers des poignées de main vigoureuses, des accolades amicales et des jeux enfantins. C’est tout de même sur une note douce-amère que se clôt JSA, traduisant l’impuissance des deux Corées lorsqu’il s’agit de mettre les tensions de côté pour laisser place à l’humain.

JSA (Joint Security Area)

Première œuvre majeure de Park Chan-wook, JSA n’a rien d’un brûlot politique vantant la supériorité de la Corée du Sud et faisant du Nord un antagoniste impitoyable. En replaçant l’humain au centre du conflit, le réalisateur coréen livre un long-métrage touchant et hautement symbolique, autorisant les Coréens à espérer entrevoir la possibilité d’une véritable réunification.

JSA (Joint Security Area) est disponible en Médiabook Blu-ray/DVD ainsi qu’en coffret collector sur la boutique The Jokers depuis le 28 octobre. 

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