Dans la lignée du Dark Waters de Todd Haynes sorti en 2020, Rouge de Farid Bentoumi s’empare de problématiques ancrées dans notre société contemporaine (les différentes crises, politique comme écologique) afin de composer une œuvre qui navigue habilement entre le drame familial et le thriller politique.
Dans Rouge, Nour (remarquable Zita Hanrot), infirmière urgentiste de profession, vient d’être embauchée au sein de l’usine du groupe Arkalu dans laquelle travaille son père, délégué syndical de l’entreprise. Nour et son père Slimane (Sami Bouajila) entretiennent une relation fusionnelle, mise à mal lorsque Nour sera érigée en tant que lanceuse d’alerte sur les rejets polluants de l’usine en question. Véritable pivot économique de la ville et de la famille de Nour (plusieurs membres de sa famille y travaillent), la gestion de l’usine est pourtant remis en cause par une journaliste indépendante (Céline Sallette), notamment sur la question du traitement des déchets polluants et potentiellement toxiques. Si la première partie du film met l’accent sur la relation entre Nour et son père, un basculement s’opère au milieu du métrage, le transformant en véritable thriller politique au potentiel indéniable.
Etat d’urgence
Inspiré par le scandale sanitaire des boues de Gardanne, c’est à la couleur de ces boues rejetées par les usines d’aluminium que Rouge doit son titre. Cette couleur est prégnante dans le long-métrage, et plus qu’un simple rappel de la teinte de cette boue toxique, elle représente aussi la couleur d’un engagement politique, la couleur de l’alerte, de l’urgence à laquelle la société est confrontée.
Rouge s’avère être encore plus qu’un simple drame familial porteur d’une dimension écologique, c’est un véritable appel au changement. Tant de problématiques plus ou moins développées par le film font écho à l’état actuel de la société française : l’urgence climatique, la destruction progressive du secteur de la santé, la progression des extrêmes sur l’échiquier politique français mais aussi les conditions de travail – encore précaires – des ouvriers.
Des dilemmes moraux
La force du long-métrage réside dans le véritable dilemme qu’il impose à ses personnages et dans l’impossibilité de réellement prendre le parti de l’un d’entre eux. En prenant conscience du danger que représentent l’usine Arkalu – tant pour l’environnement que pour les habitants de la commune et les ouvriers qui y travaillent – et de la complicité de son père dans cette vaste opération mensongère, Nour doit faire le choix entre trahir sa famille et protéger la santé des travailleurs de l’usine.
Tout comme Slimane, le père de Nour, en acceptant de couvrir les agissements d’Arkalu, choisit de continuer à pouvoir subvenir aux besoins de sa famille par son travail, plutôt que de prendre le risque de fermeture définitive de cette usine qui le fait vivre depuis tant d’années.
Porté par les remarquables prestations de Zita Hanrot et de Sami Bouajila, Rouge de Farid Bentoumi s’inscrit dans la lignée de Dark Waters et rend compte plus que jamais de l’urgence écologique à laquelle notre société fait face. On regrette cependant une forme trop classique et certaines thématiques (celle du racisme inhérent, notamment) évoquées à demi-mot.