.Le cinéma anglo-saxon, et britannique en particulier a su mieux que quiconque filmer les écoliers, les étudiants, dans leurs pensionnats ou leurs universités. Rocks entreprend une sérieuse mise à jour contemporaine.
Ce thème est devenu un genre à part entière, abordé le plus souvent par un angle social directement hérité du Free Cinema anglais des années 1970 : If… de Lindsay Anderson, La Solitude du coureur de fond de Tony Richardson, ou encore Kes de Ken Loach… constituent des exemples marquants de manifestes pour la jeunesse libertaire, contre la rigueur autoritaire du système éducatif. C’est avec ces références en tête que la réalisatrice Sarah Gavron nous présente Rocks.
La jeune Shola (Bukky Bakray), dite « Rocks » 15 ans, vit avec son petit frère Emmanuel et sa mère dans une banlieue ouvrière de Londres. Sa vie, c’est étudier modérément à l’école, beaucoup danser avec ses copines, et s’occuper passionnément d’Emmanuel, comme une mère de substitution. Car leur mère, dépressive, quitte régulièrement le domicile familial. Quand elle disparaît longuement sans laisser d’adresse, Rocks essaye de survivre avec son frère et l’aide de ses copines, pour dissimuler sa situation devant les services sociaux d’aide à l’enfance.
Rock’n’roll attitude
Le sujet de Rocks n’est pas joyeux. Pourtant dès son entame, Sarah Gavron nous prévient qu’elle refusera le misérabilisme. Son introduction sur une séquence de danse des jeunes écolières, filmée comme sur un smartphone, transmet l’énergie quelque peu électrisante dont le film ne se départira pas.
Certes c’est la misère, mais les héroïnes de Rocks ne seront pas misérables. Ces femmes en devenir sont volontaires et enjouées, actives et frondeuses, des jeunes filles de nos jours troublés qui n’ont pas besoin qu’on leur chuchote qu’il faut « Carpe Diem »
Soeurs de galères
Mais n’y a pas d’angélisme non plus. Dans cette école où chaque élève porte l’uniforme, la diversité multiculturelle des classes laborieuses est bien là, dans toutes ses obédiences religieuses, ethniques, culturelles, capillaires ou musicales. Et à vrai dire, si l’aspect politique du communautarisme est une des toiles du fond du film, ce n’est en aucun cas son cœur.
Ce groupe de filles est d’abord uni par un phénomène social systémique : la galérance, qui les unit plutôt qu’ils ne les séparent. Comme tous les héros des chroniques sociales, leurs horizons semblent irrémédiablement bouchés, avec la pauvreté comme seul passeport. La force de leur sororité en est la réponse.
Ceci dit, il serait faux de réduire Rocks à sa seule dimension sociale. Le film est d’abord une délicate chronique sur l’enfance et l’adolescence, entre Shola et son frère Emmanuel. Leur tentative d’échapper à la dureté du monde des adultes, de vivre en marge de ses injustices et de ses inquiétudes, forme un récit d’apprentissage touchant, version moderne et inclusive de Oliver Twist de Dickens ou Rémi Sans Famille de Hector Malot. Innocent et tendre, cet arc scénaristique est assurément la note d’espoir humaniste dans la grisaille londonienne. « Ma famille à moi c’est celle que j’ai choisie / Car on a besoin d’affection dans la vie »