Rictus de A. Malherbe et M. Festraëts : Rira bien qui rira le dernier

Rictus OCS Fred Testot

Quand George Orwell rencontre l’univers absurde de Quentin Dupieux, le résultat nous plonge dans un monde dystopique d’où le rire, jugé dégradant, a été aboli. Récompensée par le prix de la meilleure série Compétition Comédie au Festival Séries Mania 2023, la série Rictus débarque sur OCS aujourd’hui.

Riche année pour Fred Testot, qui après une performance remarquée dans le très bon Je Verrai Toujours Vos Visages, renoue avec le genre de la comédie dans RictusL’idée de cet OVNI télévisuel est née après les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, quand le tandem formé par Arnaud Malherbe et Marion Festraëts s’est interrogé sur le pouvoir unificateur et destructeur de l’humour.

« Stéphane est un citoyen modèle et plein de zèle, dont la mission principale consiste à repérer les « déviants ». Mais à son grand désarroi, il provoque sans cesse l’hilarité de Céline, sa nouvelle stagiaire. Car bien malgré lui, Stéphane et ses mimiques ont un indéniable potentiel comique. Kidnappé par les Rebelles, poursuivi par la police du rire des Ajusteurs, Stéphane, au mépris de son devoir, osera-t-il transgresser toutes les lois et se frotter aux délices subversifs du rire ? »
Rictus série OCS
©OCS
 

Le premier qui rira, aura une tapette.

La force de Rictus réside dans l’univers dans lequel les personnages évoluent, ses codes, et ses enjeux. La série explore de manière satirique les excès d’un régime totalitaire qui présente une façade enjouée et naïve, avec une surabondance d’images de chatons mignons et d’arc-en-ciels, tout en ridiculisant des personnages caricaturaux revêtus d’habits démodés.

L’aspect très kitsch de la série lui confère une identité propre, qui risque de ne pas être au goût de tout le monde. Ce soin du détail se retrouve également dans le travail de la mise en scène qui met en valeur les différents décors dans lequel vivent nos personnages (l’Agence, la maison familiale de Stéphane, les lieux clandestins, le théâtre etc.)

Personnages qui sont d’ailleurs haut en couleur, que ce soient les premiers rôles ou la galerie de second rôles incarnés par des humoristes venant de milieux hétérogènes. Mention spéciale aux personnages de Jawad (Youssef Hajdi), le collègue collant de Stéphane, et Muriel (Constance Dollé), la femme de Stéphane, qui ne pense qu’à ses cupcakes sardine-framboise.

Dans cette dictature de la bienveillance, les autorités répriment sévèrement toute manifestation d’émotion : arrestation, rééducation, soudage des mâchoires, casque à la Hannibal Lecter… Les seules expressions faciales encore permises sont les rictus.

Grâce à sa réflexion sur le rire, Rictus captive le spectateur (du moins pour un temps) et permet de soulever différentes questions, de mettre en opposition deux formes de rire, bourgeois et rebelle mais également deux générations différentes : celle du père de Stéphane,  Pollux (François Rollin) qui a connu le rire, le sarcasme, et celle de Stéphane, à cheval sur la moindre chose sous prétexte du vivre ensemble.

Rictus série OCS
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Mieux vaut en rire qu’en pleurer

Passée la bonne surprise et l’exposition des deux premiers épisodes, on sent que la suite a du mal à décoller. Les arcs narratifs des personnages prennent trop de temps à se mettre en place, mettant à mal la tension et le mystère pré-établi dans les premiers épisodes. On enchaîne alors les situations cringe qui pourraient être découpées en mini-sketchs.

Heureusement, les épisodes huit et neuf redressent fièrement la barque, de manière assez remarquable. Les dernières minutes de season finale offrent d’ailleurs un Fred Testot totalement en roue libre, dont la performance rappelle celle d’un certain Joaquin Phoenix dans un certain film appelé Joker. (restez d’ailleurs bien jusqu’à la fin, une petite scène post-générique vous y attend).

Pour autant, est-ce suffisant ? Peut-être pas. Car à force de vouloir tout axer sur le burlesque, l’aspect menaçant de cette France totalitaire se dissipe largement, entrainant une baisse d’inquiétude et un léger désintérêt pour le sort des personnages. Dommage pour Les Ajusteurs (la police du rire), qui en est réduite à des pitreries et des antagonistes clownesques.

« Peut-on concilier humour et respect de l’autre ? »  En s’attachant à traiter cette question, Rictus offre de jolis situations pendant les neuf épisodes qui rythment son histoire, sans pour autant briller et nous emporter. Sur le papier, c’était l’une des séries les plus intéressantes de cette année, mais elle a du mal accomplir son objectif principal : provoquer le rire.  Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un rictus.

Rictus, une série disponible en streaming sur OCS

 

 

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