Nos coups de cœur de la 3ème édition du Festival Grindhouse Paradise

Cette semaine, du 14 au 17 Avril, s’est tenue à Toulouse la troisième édition du Grindhouse Paradise, tout jeune festival créé par des passionnés pour des passionnés, qui met à l’honneur le cinéma de genre et ses ovnis contemporains.

L’équipe du Grindhouse Paradise a proposé cette année une programmation très riche, foisonnant d’expérimentations, de propositions radicales et de délires créatifs en tous genres, qui semble avoir grandement conquis son public. Cette fois, honneur aux premiers longs-métrages dans la compétition, l’occasion de découvrir des cinéastes passionnants. De cette sélection où rien n’est à jeter, revenons sur les cinq grandes réussites qui méritent plus ample attention.

The Sadness de Rob Jabbaz (2022)

Film d’horreur taïwanais d’une efficacité redoutable, tant il parvient à choquer et terrifier comme peu d’autres auparavant. En s’appuyant sur un fait divers survenu dans son pays, où un homme hors de contrôle s’est mis soudainement à poignarder les passagers d’un métro, Rob Jabbaz a choisi d’explorer le thème de la violence humaine au sein d’une histoire de virus a priori classique mais où la folie se propage.

On y suit l’histoire d’un couple séparé qui tente de se retrouver dans une ville infestée où les meurtres, les viols et les tortures sont devenus des besoins primaires pour les contaminés. Jusqu’au-boutiste et sans limites, The Sadness sort du panier des survivals apocalyptiques par son réalisme cru, renforcé par une mise en scène intimiste et un rythme effréné. Ce film séduira incontestablement les amateurs d’adrénaline et d’images chocs. Le film sortira en France le 6 juillet prochain.

Un bain de sang dans le métro dans The Sadness Grindhouse Paradise
© Capelight Pictures OHG

Undergods de Chino Moya (2021)

Voyage surréaliste à travers les genres et les univers, Undergods déborde d’idées visuelles et de décors grandioses. Chino Moya nous entraîne dans diverses histoires qui s’emboîtent habilement : l’une étant le récit du personnage d’une autre ou bien un rêve. Il apporte à chacune d’entre elles sa complexité propre, grâce à une écriture impeccable parvenant à installer un contexte efficacement appuyé par des esthétiques soignées et diverses.

Cet ensemble hétéroclite raconte les histoires d’hommes confrontés au désespoir amoureux, social ou familial. Des tragédies, en somme, portées par des acteurs fabuleux et une écriture très humaine, au plus proche de ses personnages. Undergods nous offre une pluralité de spectacles, notamment parmi ses scènes de science-fiction post-apocalyptique, ses scènes d’action et celles plus intimistes. Finalement, c’est à travers ce voyage insolite et confus que Chino Moya a trouvé la manière de délivrer son constat bouleversant sur la société contemporaine.

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Mona Lisa and The Blood Moon d’Ana Lily Amirpour (2021)

Ode à la marginalité et aux relations humaines, Mona Lisa and The Blood Moon conte l’histoire de Mona, jeune sorcière atypique échappée d’un hôpital psychiatrique qui cherche à se (re)construire et à mener une vie normale. Au fil de son parcours initiatique, elle découvre l’humanité dans tout ce qui la rend attachante et repoussante, et finit par se rapprocher des plus marginaux d’entre eux. En résulte une merveilleuse fable sur l’humain d’une grande sincérité, écrite et mise en scène avec une bienveillance tendre qui embrasse ses personnages en s’évitant toute morale ou vision manichéenne.

La cinéaste nous offre une expérience unique très rafraichissante rappelant tout le meilleur de l’humain. Elle s’adresse ici à notre enfant intérieur, friand d’aventures et de magie. Pour accompagner cette histoire folle, chaque scène abonde d’idées visuelles, sublimées par une  bande-originale efficace L’autre grande force du film, ce sont ses acteurs passionnants qui incarnent des personnages complexes, mais tellement réels et décalés à la fois. En bref, un sublime conte fantastique sur les vrais gens et toutes les raisons de les aimer, une bouffée d’air qui tombe au bon moment.

Grindhouse Paradise

Ego d’Hanna Bergholm (2022)

Film d’ouverture du festival Grindhouse Paradise et lauréat du grand prix à Gérardmer, Ego est un film sur les monstres générés par la compétition et la recherche désespérée d’approbation parentale. Pour transmettre l’histoire de Tinja, une jeune adolescente gymnaste cherchant l’amour de sa mère, obsédée par la perfection, Hanna Bergholm déploie sa métaphore en y intégrant une créature fantastique à l’image des convoitises et des craintes de la jeune fille. La cinéaste part d’un thème simple qu’elle développe intégralement. À mesure que la créature évolue, d’un animal dont il faut prendre soin à la figure du double de Tinja, le film évolue lui aussi en basculant progressivement vers l’horreur.

Techniquement remarquable, Ego délivre des images marquantes, sublimées par l’esthétique particulière des décors finlandais, mais brille aussi par son rythme et son montage, bourré d’idées malines et de jeux sur la dualité. Par ailleurs, le travail sur le son y est central, car il donne vie à la créature et lui permet d’être incarnée durant tout le film. Ego parle avant tout de la prison du paraître, à l’image de la perfection idéalisée souvent associée aux pays nordiques soi-disant « plus heureux », et du néant sentimental qu’elle engendre. Le film sort en DVD/VOD le 26 avril.

Grindhouse Paradise

Strawberry Mansion de Kentucker Audley & Albert Birney (2021)

A la croisée de Big Fish et du cinéma de Michel Gondry, Strawberry Mansion est un fabuleux conte de science-fiction prônant son amour du rêve et des aventures imaginaires. Dans une société futuriste où le capitalisme s’exacerbe au point de contaminer les rêves de publicités, un contrôleur du fisc vient faire un audit chez une vieille femme qui semble avoir trouvé un moyen de s’évader dans ses propres rêves. Strawberry Mansion contient tout le meilleur du cinéma et de la vie ; réalisé sur 12 ans, c’est un véritable tourbillon d’idées et d’inventions, alliant stop-motion, animations 2D et 3D, costumes et décors loufoques fabriqués.

Les cinéastes y expriment leur passion et s’amusent à y mettre en scène toutes sortes d’aventures ambitieuses. Mais avant tout, le film raconte une histoire d’amour sublime dont l’impossibilité et l’incohérence spatio-temporelle ne font que renforcer sa puissance platonique, au-delà de toute matérialité. Strawberry Mansion se présente comme la porte multicolore d’un échappatoire fou qui réside dans notre intériorité. Film feel good par excellence, il n’en est pas moins lucide et intelligent.

Le film s’impose comme étant la proposition la plus magique et la plus innovante du festival Grindhouse Paradise. On espère de tout cœur qu’il parviendra à atteindre nos salles et à passionner le public autant qu’il nous a passionné.

Grindhouse Paradise

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