Nous les Leroy, premier long-métrage de Florent Bernard, est une toile familiale et familière plongeant dans le cœur bourguignon de ses personnages et son réalisateur.
Oui. Oui disons-le d’emblée, Nous les Leroy est drôle, même très drôle. Mais comme Un Métier sérieux qui utilise une trame comique pour établir son histoire, il ne s’en contente pas. Et sans non plus se perdre entre son point d’entrée et son équilibre comique, le film se dresse, non pas comme le téléfilm qu’on aurait pu craindre, mais comme le réel premier plongeon cinématographique d’un réalisateur qui a déjà de la bouteille.
“Sandrine Leroy (Charlotte Gainsbourg) annonce à son mari Christophe (José Garcia) qu’elle veut divorcer. Leurs enfants (Lily Aubry et Hadrien Heaulmé) ont bientôt l’âge de quitter la maison. Dans une opération de la dernière chance aussi audacieuse qu’invraisemblable, Christophe organise un week-end pour sauver son mariage : un voyage passant par les endroits clés de l’histoire de leur famille. Un voyage qui ne va pas être de tout repos…”
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Florent Bernard démontre avec Nous les Leroy, une vraie maîtrise dramaturgique. Bien que secoué de quelques à-coups, l’ensemble de l’histoire se joue limpidement sans nous glisser dessus. L’outil comique ici est utilisé à l’inverse d’un comic relief : la blague n’est pas là que pour soulager, elle dit autant que le reste. Cette vis comica est au diapason du ce jeu scénaristique que le vidéaste à entamé il y a des années – comme dans son court-métrage Ages moyens, qui laisse déjà voir les graines mélancoliques dont les bourgeons germent enfin dans Nous les Leroy.
L’ensemble du film, basé sur un simili-monopoly de la déprime agencé par Christophe/José Garcia, se monte comme un jeu. Comme femme et enfants, nous sommes ballotés d’une case à l’autre, dans un véhicule symbolique sur lequel nous reviendrons.
L’automne à Autun
L’histoire s’écrit de conflits, où un père de famille désemparé se bat pour revivre et recommencer un chapitre de sa vie qui n’a plus lieu d’être. Désemparé certes, mais pas excusé. Car Christophe, comme Sandrine et leurs enfants, ne tombent pas dans l’écueil de la quatrième roue cassée emmenant le carrosse avec lui. Certes, le moteur pétaradant de cette infructueuse aventure n’est autre que le père, mais pas que. Tous les membres de la famille ont une dysfonction.
Cette dysfonction, revenons y, est donc incarnée par la voiture. Char d’assaut ou SUV de beauf, c’est selon. En s’introduisant à l’arrachée dans le récit via Christophe qui travaille dans la location, elle englobe tous les problèmes de la famille. D’abord, elle les avale, les confine pour d’interminables trajets. Ensuite, à mesure que les personnages avancent dans la vie fantasmée mais vécue de Christophe, elle se détériore, perd de sa splendeur, n’est plus cet animal indomptable rêvé par le père de famille.
La voiture ne représente pas plus la famille que son souvenir, effrité à mesure qu’elle avance. Elle devient le catalyseur de toutes les frustrations de Sandrine qui, dans une scène merveilleuse avec Simon Astier en policier compréhensif, s’en sert d’exutoire.
Fou de cast
La profondeur millimétrée de cette comédie pas si simple ne serait rien sans ses acteurs.
De José Garcia et Charlotte Gainsbourg, on n’en attendait pas moins : la prestation est juste et, à l’image du film, nuancée. Il en est de même pour Lily Aubry et Adrien Heaulmé qui, malgré quelques caricatures de ton, rendent leur personnage vivants et crédibles.
Là où FloBer se démarque, c’est dans ses personnages secondaires, riches et hilarants. On pense bien-sûr au policier de Simon Astier, au nouveau locataire de l’appartement du couple joué à merveille par Jérôme Niel. Mais aussi au serveur encombrant joué par l’impérial Adrien Méniel, qu’on attend décidément plus souvent sur grand écran. Ce casting met en avant une vraie générosité tant dans la démarche que dans l’écriture.
Nous, les Leroy est un très beau et touchant premier pas pour la réalisation cinématographique de son auteur. Un fourmillement de blagues et de personnages aussi attachants que déchirants, dans une enveloppe finement liée d’un humour que le réalisateur travaille depuis déjà des années. Et, on l’espère, pendant encore quelques unes…