Avec Nahuel et Le Livre Magique, le réalisateur chilien German Acuña réalise son premier long-métrage d’animation, fortement ancré dans la culture andine.
En compétition dans la sélection officielle du Festival d’Animation d’Annecy, Nahuel et le Livre Magique est un récit initiatique qui creuse le sillon maintes fois emprunté du dépassement de ses peurs.
Le jeune Nahuel est un enfant qui a peur de l’eau. Une crainte pour le moins handicapante, quand on habite une ville au bord de l’océan, et que sa famille vit de l’activité de la pêche. Peu attentif à l’école, souvent étourdi, Nahuel tient en fait plus de l’élève Ducobu que de l’enfant prodige. Jusqu’au jour où il découvre un livre magique et oublié, le Levisterio. Sa lecture va le propulser dans une aventure occulte et périlleuse, et lui apprendre à surmonter ses angoisses enfantines.
Un air de Miyazaki
Visuellement, Nahuel et Le Livre Magique évoque d’emblée l’œuvre d’Hayao Miyazaki, le grand maître de l’animation japonaise et co-fondateur du Studio Ghibli. Les grands espaces, la nature brillante et colorée, la quête picaresque de l’enfance face à la puissance des éléments, ont des allures de Voyage de Chihiro. C’est à la fois une force, car les décors et l’animation du film sont superbes, mais aussi une faiblesse, car ce ghibli-boulga d’images donne inévitablement une impression de déjà-vu.
Cependant, il serait injuste de reléguer German Acuña au statut de copiste, et son film de contrefaçon de Ghibli. La principale force et originalité de Nahuel et Le Livre Magique, est de convoquer les mythes et légendes des peuples aborigènes d’Amérique Latine, et notamment, ceux du peuple Mapuche. Société primordiale ayant longtemps peuplé le Chili et l’Argentine avant la colonisation, aujourd’hui étrangers dans leur propre pays, les Mapuche ont développé une riche mythologie surnaturelle, nimbée de magie, de sorciers et de guérisseurs.
Un air (aussi) de Jodorowsky
Dans la droite lignée de la littérature du merveilleux de García Márquez ou de l’univers fantastique d’Alejandro Jodorowsky, Acuña met en scène les contes de son continent, redonnant vie à l’écran a une riche culture que l’acculturation occidentale n’a pas réussi à effacer. Par ce retour aux origines, à la fois du spectateur mais aussi de l’œuvre sur elle-même, on se prend à repenser au Coco de Pixar, émouvante quête initiatique du jeune héros à la recherche de ses racines. Cet héritage fait tout l’intérêt du film, et constitue un geste quasi-politique qui mérite d’être loué, à une époque où les droits de ces peuples premiers sont bafoués au Chili.
Il est cependant dommage que Nahuel et Le Livre Magique n’ait pas la même audace dans son scénario, et reste dans des sentiers narratifs sagement balisés. L’oeuvre manque d’allant, de lyrisme, sacrifiant trop souvent ses séquences oniriques à une plongée dans le monde noir des kalkus et des voladoras, les esprits maléfiques du film. L’ensemble pourra sans doute effrayer les jeunes enfants par la noirceur de son univers, et les perdre dans les circonvolutions de son histoire. Il n’intéressera pas forcément les adultes, trop habitués à ce genre de récit. Si le livre de Nahuel était magique, dommage que son film ne le soit pas autant.