Mémoires d’un escargot de Adam Elliot : La famille d’Adam

Memoir snail memoire d'un escargot

Quinze ans après son réussi Mary et Max, neuf ans après son dernier court-métrage Ernie Biscuit, Adam Elliot revient sur le devant de la scène avec Mémoires d’un escargot.

Le réalisateur à la cadence escargot-esque modèle, non sans imperfection, la vie de ses personnages. Leur environnement, leurs objets, leurs animaux, leur graisse… sont autant de composants et de matières avec lesquelles joue le réalisateur dans Mémoires d’un escargot.

« À la mort de son père, la vie heureuse de Grace Pudel (Sarah Snook), collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, vole en éclats. Arrachée à son frère jumeau Gilbert (Kodi Smit-McPhee), elle atterrit dans une famille d’accueil à l’autre bout de l’Australie. »

Laissée seule après le départ de son frère, Grace pleure, sous les yeux attentifs de son bonnet en forme d'escargot
©Métropole Films

Bisou baveux n’atteint pas…

Tout en longueur, le film s’ouvre avec la lenteur dudit gastéropode, mais surtout sur des objets. Un film d’animation à déjà un rapport différent à la représentation qu’une prise de vue réelle, mais encore plus lorsque ce dernier est littéralement composé d’objets.

Mémoires d’un escargot  a conscience de cette corporalité. Et bien qu’on puisse reprocher une forme de naturalisme du mouvement parfois ennuyeux, cela serait passer à côté de la forme du film. Poussant ses décors dans un maximalisme gras et écœurant, Eliott sature ses images d’objets, comme son films de thématiques, pour marquer à la fois les personnages comme le spectateur des affres de la vie de Grace. L’image se salit, comme on salit l’innocence de cette femme qui ne se sent à sa place nulle part.

Parce que cette notion de place est centrale dans le film. Mémoires d’un escargot joue de l’esthétique du travers, style bien encré dans la filmographie de son réalisateur. L’évidence de cette patte se retrouve dans le regard triste des yeux – en forme de goutte – des marionnettes en pâte à modeler. En plus de marquer les visages d’une mélancolie qui ne quitte jamais le film, ils dirigent le regard vers le sol. Ils emmènent notre regard vers le bas, comme une ligne de fuite qui ne nous laisse pas l’espoir du ciel.

Lenteur et préjugés

Ce « travers » ne suinte pas que par les yeux, c’est aussi l’imperfection des parallèles, le brun des couleurs désaturées qui aplanit la palette du film. Tout semble « incorrect ». La stylisation ne rend pas la forme agréable comme on peut le retrouver dans les films d’Henry Selick ou de Wes Anderson. C’est un chemin autre, celui de l’erreur, de l’expression au-devant de plaisant. L’image n’a pas à être douce là où l’histoire ne l’est pas. Aussi, si l’univers est déprimant, la forme le sera aussi.

Aussi, cette imperfection est parfaitement incarnée par l’esthétique d’Eliott comme par ses personnages. Souvent, ils sont cruels, infantiles, parfois stupides. Et toujours, ils sont incompris, y compris d’eux-même. Aucun endroit ne semble accueillant. Ceci, à l’inverse de cinémas qui tendent à tout rendre confortable, comme le récent Robot Sauvage ou généralement toutes les productions Disney. Ici, l’endroit a un caractère, repoussant, lent, ce n’est non pas une scène mais un lieu qui vit, qui est marqué par les passages du temps et des passants.

Cette morbidité ambiante laisse une amertume à l’œil, car bien qu’aucun plan ne soit franchement accueillant, on y ressent toute la chaleur des personnages. On y voit les imbroglios sociaux et familiaux. Les disparités qui existent entre chaque individu qui font que, parfois, si l’on ne se sent pas à sa place, c’est qu’elle appartient à quelqu’un d’autre.

Pinky, meilleure et seule amie de Grace, s'écrase sous son costume de femme-sandwich en forme d'ananas.
©Métropole Films

Mémoires d’un escargot est donc un retour réussi, un pari risqué, collant et attachant. C’est un film qui traite de beaucoup de choses, qui se cristallisent dans sa métaphore première : comme l’escargot, peu l’importe où l’on se trouve, on peut y décider d’être chez soi.

 

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