Love Lies Bleeding de Rose Glass : En saignée l’amour

Après un réussi et dérangeant Saint-Maud, la réalisatrice revient, avec Love Lies Bleeding, pour une sanglante romance lesbienne.

Partant de là, on s’attendrait à un film tirant sur l’horreur ou le drame. Mais bien que Love Lies Bleeding en ait certains codes, qui enrichissent d’ailleurs l’objet final, il ne s’y plonge qu’à moitié. Alors : film social, romance aux relents nanardesques ou défouloir sanglant ?

“Lou (Kristen Stewart), gérante solitaire d’une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie (Katy O’Brian), une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence.”

Dans leur gymnase crasseux, après la fermeture, les deux personnages principaux se retrouvent, couvertes de sueur, pour partager leur premier moment intime.
©metrofilms

Orgueil et protéines

Avec Love Lies Bleeding, on retrouve la rugosité maladive de l’emballage filmique, qui faisait tout le charme du précédent métrage de Rose Glass. Mais pas la surprise. 

Les deux personnages principaux, merveilleusement interprétés par Katy O’Brian et Kristen Stewart, ont leur approche physique du rôle pour originalité. Cet aspect musculeux et purement corporel est un point de départ intéressant. D’autant plus quand il met en parallèle les intrications narratives -un peu faciles- des liens qu’ont tous les personnages du film.

En effet, il serait facile de comparer l’iconisation musclée de Jackie/O’Brian avec celle d’un Conan ou même de Rocky. On attribue à un personnage féminin un intérêt d’abord physique pour elle-même et pour le spectateur. Sans la sexualiser ou jouer sur des codes sortant d’un male-gaze crasse, Rose Glass prend le contrepied de l’écriture naïve ou victimisante des personnages féminins traités comme de petites choses fragiles. (Une idée que le film explose, littéralement)

Cet intérêt tout en muscles semble rebondir sur le fond armé du film : l’Amérique profonde des rednecks, fiers d’exhiber leurs joujoux explosifs. 

Zizi pan-pan

Suivant la piste que l’arme à feu serait une extension phallique de la puissance masculine, l’opposer à la force brute des muscles de Jackie est un parti-pris très intéressant de Love Lies Bleeding. Ramener à leur statut d’outils les armes, pour mettre en avant la réelle puissance physique écrasante du personnage féminin est d’autant plus intéressant que, jusqu’à sa fin, on pense le film de Glass bien plus manichéen qu’il ne l’est réellement.

Bien sûr, même une montagne de muscles sera terrassée d’un coup de feu. Mais la force combinée à l’intelligence émotionnelle que développent -durement- les deux héroïnes, réussissent à mettre en péril un criminel aguerri et lourdement armé.

Bac à sable Texan

Malheureusement, une réflexion sur la violence et la puissance corporelle ne fait pas tout. Peut-être la réalisatrice en a-t-elle conscience, lorsqu’elle sème des pistes tenant plus de l’addiction métaphorique que de la réflexion pure. En parallèle, vient s’ajouter un discours sur les drogues, le deuil et la culpabilité. Des thèmes importants et visuellement  bien traités mais qui, malheureusement, ne le sont que visuellement.

Au-delà de ces pistes inégales mais intéressantes, la structure-même du film est attendue. Dès son ouverture le film se fait comprendre et attendre. Love Lies Bleeding est une machine bien huilée comme tout ce qu’amène A24 sur notre continent. À la différence notable que ce scénario ne semble être au final qu’un énième métrage de rébellion post-ado, sur fond de famille proto-mafieuse.

Les prises de risques sur l’écriture des personnages amènent, certes, une fraîcheur au niveau formel, mais pas au fond du sujet ni de sa narration. En retirant ses artifices visuels et les figures de styles qui en découlent, Love Lies Bleeding reste un film linéaire et sans surprises. Mais pas sans saveur, heureusement. 

©metrofilms

Love Lies Bleeding n’est pas la surprise claquante qu’a pu être Saint-Maud. Mais même en collectionnant ce qui semble être plus des artifices que des outils visuels et réflexifs, il en garde le charme. Film estival aux personnages détestables et attachants, aux visuels sublimes, et dont la mise en scène cultive une forme d’étrangeté, il est parfait pour entamer cet été.

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