Lola Montès : L’ange déchu

Ultime film de son réalisateur et œuvre majeure du cinéma français, Lola Montès ressort dans une nouvelle version restaurée.

Mélodrame à la réalisation maîtrisée et à la photographie splendide, Lola Montès dresse le portrait d’une femme déchue, prisonnière d’une beauté et d’un passé dont elle est condamnée à revivre chaque instant, chaque soir, devant une foule voyeuriste avide de scandale.

Adapté du roman de Cecil de Saint Laurent, La Vie Extraordinaire de Lola Montès, le film de Max Ophuls dépeint le destin tragique et scandaleux d’une courtisane et danseuse, amante de personnalités notables du 19ème siècle, parmi lesquelles le compositeur Franz Liszt et Louis II roi de Bavière (dont elle fut la maîtresse attitrée avant d’être anoblie par celui-ci, malgré le désaccord général du gouvernement de l’époque). Le réalisateur choisit donc de s’intéresser à la fin de carrière de Lola Montès et à la déchéance d’une femme – physiquement et moralement épuisée par les multiples représentations qu’elle assure chaque soir – autrefois adulée et fantasmée de tous.

Lola Montès

Par le biais d’un montage alterné – naviguant entre les séquences clés de la vie de Lola et la représentation finale de son passé devant une foule massive pressée sur les gradins du cirque –  le cinéaste propose une réflexion intéressante sur la condition de la femme ; ainsi qu’une certaine critique d’une société de divertissement basée sur l’aspect sensationnel du scandale, qui n’hésite aucunement à éprouver et épuiser ses artistes pour son propre profit. Le personnage de Lola est en effet condamné à rejouer sur scène, jusqu’à l’épuisement, son passé de courtisane et de danseuse, au sein d’un spectacle dont l’essence même repose sur le caractère prétendument scandaleux de son existence.

« Ça va aller ». Ce sont les premiers et derniers mots que nous entendrons de la part de Lola –interprétée par Martine Carol, sublimée, dans ce qui sera le rôle majeur de sa carrière – prononcés au début et à la fin de sa prestation. Ces deux phrases, pourtant identiques, sont d’une teneur amplement différentes. Si en premier lieu, Lola prononce ces quelques mots afin de se donner le courage d’affronter une énième atteinte à son passé ; dans la séquence finale, ces mots semblent démontrer un certain optimisme quant à ce que son avenir lui réserve. Cette ultime représentation s’apparente à une catharsis pour le personnage, d’ailleurs magnifiquement représentée par la métaphore du saut dans le vide sans filet de sécurité.

Si le film peine à déloger l’émotion du spectateur, malgré l’interprétation convaincante de Martine Carol, il se démarque en revanche par le travail sur les décors et les costumes qui donne corps à des séquences véritablement somptueuses. On retiendra notamment les séquences du cirque, tant elles sont marquantes par leur beauté et leur inventivité visuelle, en avance sur leur temps.

Lola Montès

Comme une réponse tardive au scandale provoqué à la sortie de Lola Montès en 1955, la restauration de ce désormais classique du cinéma français permet de rendre hommage à la virtuosité du réalisateur. Portrait esthétiquement irréprochable d’une femme dévorée par son succès, Lola Montès reste un film incontournable, à découvrir absolument.

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