Dans les films coups de poing de 2019, impossible de ne pas parler du premier long-métrage de Ladj Ly, Les Misérables.
Prévu pour le 20 novembre, Les Misérables traite de tout, sauf des Thénardier, de Cosette ou de Gavroche. Le seul point commun avec l’oeuvre de Victor Hugo, c’est la misère mise au centre. En mettant en scène un conflit entre des jeunes de banlieues et une équipe de trois policiers (dont deux aussi issus de la banlieue), le jeune réalisateur français s’attaque à la dénonciation de violences policières, sujet encore tabou en France (qui, en comparaison, est régulièrement traité dans le cinéma américain).
Plus intéressant que ce conflit, il y a surtout l’inversion des rôles qu’opère le film, soumettant la police au joug d’une banlieue bien trop martyrisée. En effet, le point de départ du film est une bavure policière qui se voit enregistrée par un adolescent de la cité. Toute la question qui se pose dans le film est donc de savoir comment remettre l’ordre en place en récupérant la vidéo, tout en observant comment le microcosme misérable évolue quand ce dernier est chamboulé.
Les Misérables est donc clairement un film qui interroge, qui questionne et qui se plaît à rêvasser sur l’injustice sociale, avec une maîtrise de la tension qui ne cesse de nous couper le souffle, tension qui atteint son apogée dans un troisième acte grandiose et inoubliable. Dans le cercle (plutôt fermé) des films français politiquement engagés, Les Misérables a de quoi devenir une référence intemporelle, comme un manifeste socio-politique de notre époque.
Le film de Ladj Ly est d’ailleurs d’ores et déjà sur toutes les lèvres avant même sa sortie officielle, car chacun sait à quel point le film est important, autant d’un point de vue moral qu’artistique. On en sait aussi chaque jour un peu plus sur les obstacles qui se sont dressés face à Ladj Ly dans son projet, notamment un budget divisé par deux par des élites pas très enthousiastes d’un projet aussi politiquement opposé à tout ce que le cinéma français produit généralement.
Pourtant, et ce malgré un budget bien inférieur aux besoins, Ladj Ly et son équipe sont parvenus à créer une oeuvre unique, peaufinée et puissante. Amusant donc de voir que la situation décrite dans le film ne s’applique pas uniquement à un affrontement social, mais peut aussi symboliser tout ce qu’est en train de rafler Ly sur son passage, figure de proue d’un nouveau cinéma français bousculant de plus en plus les codes établis. Les Misérables ne se contente pas d’être juste excellent au niveau cinématographique, puisqu’il est aussi l’une des meilleures métaphores du renversement du pouvoir à tous les niveaux.
Au final, il serait presque insolent de réduire Les Misérables à un simple film, avec son succès déjà assuré et sa sélection pour représenter la France à la prochaine cérémonie des Oscars, et de le replacer face à l’élitisme qu’il combat. Les Misérables est donc la preuve que Ladj Ly a réussi dans un système qui lui tourne le dos, à lui comme à de nombreux jeunes plein d’ambition.
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