Trois ans après son dernier album, le rappeur Nekfeu annonce le titre de son troisième album solo : Les Etoiles Vagabondes
Projet hybride entre album et film : Nekfeu est-il aussi bon derrière une caméra que derrière une feuille blanche ? Co-réalisé par son ami et réalisateur Syrine Boulanouar, que vaut Les Etoiles Vagabondes ?
Portrait du jeune film en Nekfeu
Le film démarre directement dans le feu de l’action en proposant un plan séquence de trois minutes juste avant que Nekfeu ne monte sur scène. Par une mise-en-scène faussement naturelles, on reconnaît certains artistes, qui accompagneront le rappeur durant les 1h23 restantes. Toujours dans l’incertitude de ce à quoi le spectateur va assister, la voix de Nekfeu (en off) résonne : “Ce soir j’ai joué devant 80 000 personnes et je ne me suis jamais senti aussi seul.”
Ainsi, le spectateur comprend ce qu’il regarde : Les Etoiles Vagabondes est en réalité un film documentaire, à mi-chemin entre journal intime et exercice stylistique du rappeur qui, au dessus d’illustrations visuelles très esthétiques et minutieuses, livre des textes personnels très travaillés, lourds de sens et de symboliques, en s’adressant directement au spectateur, sur la création du nouvel album.
Découpé en chapitres, nous suivons Nekfeu dans ses différents voyages : de l’île de Mytilène à Los Angelès, du Japon à la Nouvelle Orléans, il nous raconte que “Avec la célébrité il se sent comme un étranger dans sa propre ville (…) et quand ça ne va pas il fait ce qu’il fait de mieux : fuir“. Chaque nouveau pays, qui constitue une nouvelle étape dans la création de l’album, est travaillé individuellement, comme des tableaux indépendants assemblés les uns à la suite des autres, et dont la liaison se fait grâce aux morceaux de l’album, caractéristiques des lieux montrés (Premiers Pas a été écrit/enregistré en Louisiane, durant l’ouragan Nate de 2017). L’album construit le film, et le film construit l’album.
On comprend alors qu’à l’instar du film, l’album est également composé de chapitres, aux couleurs dessinées par l’itinéraire du chanteur qui, une fois assemblés, forment une oeuvre complète, aux sonorités qui font voyager d’un bout à l’autre du globe, tout en gardant l’âme et l’essence propre des textes de Nekfeu.
Un Nekfeu mal monté
En outre ce découpage conceptuel, l’un des points forts du film réside dans les dialogues. En effet, Nekfeu raconte dès le départ qu’il a besoin d’être entouré de son « crew » pour retrouver l’inspiration et la motivation perdue à Paris. Ainsi, on retrouve plusieurs visages connus, « la colonne vertébrale de l’album » comme il l’aime l’appeler : Les membres du S-Crew (Framal, 2ter, Mecra), de l’Entourage (Doum’S) ou encore Alpha Wann et des musiciens professionnels, comme le beatmaker Diaby Taylorisme, l’un des rares qui accompagnent Nekfeu durant la quasi-totalité du film. On découvre également certains artistes qui collaborent sur l’album : le rappeur belge Damso, la chanteuse japonaise Crystal Kay, le jazzman américain Trombonne Shorty, etc …
De nombreux morceaux et collaborations n’apparaissent pas dans le documentaire. Ainsi, aucune trace de Némir ou de Vanessa Paradis qu’on découvrira le soir-même lors de la sortie de l’album.
Ces discussions entre les membres de l’équipe (dont plusieurs semblent mises en scènes tant les propos ne sonnent pas naturels du tout), racontent le film, plus que la voix-off de Nekfeu, et nous offrent tantôt des moments sincères et émouvants, tantôt des moments drôles et plus légers.
Malgré toutes ces qualités, l’un des problèmes majeurs du film réside dans sa forme. Nekfeu et Syrine Boulanouar sont connus pour leur sens du détail, et pour les pousser parfois trop loin, et cela n’a pas loupé. A de nombreuses reprises, certains plans ou certains textes ne sont là que pour enjoliver le tout et, n’apportant pas grand chose de concret à l’histoire (si ce n’est, justement, cette démonstration de style). Rajoutons à cela un montage inégal, parfois très réussi, mais très souvent fouillis, gâchant ainsi le potentiel visuel et esthétique de nombreuses séquences. Le côté expérimental se ressent trop, cassant ainsi la démarche entreprise.
Pour conclure, Les Étoiles Vagabondes est un projet artistique globalement réussi, sans forcément sortir du lot pour autant. En manquant parfois de finesse, Nekfeu arrive à transporter dans son univers et son introspection et offre un film riche de rencontres, de sons et d’images du monde entier.
“L’essentiel se trouve ailleurs, alors j’ai visité d’autres univers, mais c’est surtout à l’intérieur de moi que j’ai voyagé.”