Les Courts-métrages d’animation des César 2024 : Notre sélection

La sélection des courts-métrages d’animation pour les César 2024 : Engueulade, ornithologie et tabouret.

L’animation, comme s’évertue à le rappeler Guillermo Del Torro, n’est pas un genre, mais bien un médium. L’utilisation de cet outil relève d’un travail artistique titanesque, qui permet une transparence complète de l’intention de ses auteur.ices. Cette année, la pré-sélection des courts-métrages d’animation aux César était éclectique malgré une cruelle absence de 3D. Un manque d’autant plus dommage que la 3D a depuis quelques temps prit un tournant majeur dans son utilisation avec des films techniquement très intéressants comme Across The Spider-Verse ou d’une manière plus indépendante les courts-métrages de Nikita Diakur.

On peut en revanche saluer une sélection variée dans ses thèmes comme ses visuels. Une initiative bienvenue au vue du mépris envers l’animation, auquel le festival répond par une affiche signée Michel Ocelot, un des piliers de l’animation française.

L'affiche de la cérémonie des César 2024. Image tirée de « La Belle Fille et le Sorcier » (1992), de Michel Ocelot.
L’affiche de la cérémonie des César 2024. Image tirée de « La Belle Fille et le Sorcier » (1992), de Michel Ocelot.

La pré-sélection complète des courts métrages était la suivante :

  • 27 de Flóra Anna Buda
  • Christopher at Sea de Tom CJ Brown
  • El after del mungo de Florentina Gonzalez
  • La Grande Arche de Camille Authouart
  • Ice merchants de João Gonzalez
  • Miracasas de Raphaëlle Stolz
  • La saison pourpre de Clémence Bouchereau
  • Scale de Joseph Pierce
  • Un genre de Testament de Stephen Vuillemin
  • Été 96 de Mathilde Bédouet
  • Drôles d’oiseaux de Charlie Belin
  • La forêt de Mademoiselle Tang de Denis Do

Et parmi tous ces films dont la plupart sont visible sur le site d’Arte, c’est finalement les trois derniers qui ont été retenus dans la sélection finale.

Alors, que valent les nominés ?

ÉTÉ 96 de Mathilde Bédouet

Sur un fond blanc neutre, la famille elle toute en couleurs s'affaire autour d'une carte des marée. Un orque gonflable les regarde sur le côté gauche de l'image.
©Tilta Productions

“L’éternel pique-nique du 15 août sur l’île Callot. Mais cette année, Paul, sa famille, leurs amis, se retrouvent piégés par la marée. Paul, bouleversé, coincé entre le monde des adultes et celui des enfants, prend conscience de son individualité.”

12 minutes, entièrement dessinées aux crayons de couleurs, soit 5500 dessins originaux. Été 96 livre un court-métrage intime et merveilleusement interprété jusque dans ses hors-champs. 

Les personnages semblent tous voguer dans une brume grainée de papier et d’eau de mer, dans des couleurs ternies par le sel et le vent qui les empêche de s’échapper de cet îlot.

Si l’on devait trouver à y redire, ce serait le manque d’intérêt pour le médium autre que dans sa plasticité. À l’exception d’un passage rêvé et onirique qui illustre parfaitement la maîtrise et les possibilités du film, l’animation reste collée à sa rotoscopie, qui rend le tout “trop réaliste” et alourdit l’image comme la narration.

Cela étant, le final est une belle proposition, sensible, claire et efficace. Sans tomber dans le piège de la nostalgie, le film capture à merveille l’ambiance aigre-douce des engueulades de vacances. Les parents se détestent en s’aimant, les enfants sont libres et surveillés.

Drôles d’oiseaux de Charlie Belin

Au devant d'un ciel nuageux illuminé d'un jaune crépusculaire. Des aigrettes pataugent au milieu d'herbes et de quenouilles. Derrière eux une barque passe, lentement.
© Doncvoilà productions

“Ellie, dix ans et demi, entre en sixième à Saumur. Timide et passionnée par la nature, elle passe son temps plongée dans des livres, en particulier d’ornithologie. Elle intrigue Anna, la documentaliste du collège, une femme mystérieuse avec qui elle tisse une relation pleine de malice. Le jour où Ellie doit absolument lui rendre un livre, la porte du CDI est fermée. Elle décide alors de le ramener directement chez Anna qui vit sur une île sur la Loire, à quelques kilomètres du collège. Une île pleine d’oiseaux…”

Plus long film de la compilation animée À vol d’oiseaux avec Le tout petit voyage d’Emily Worms et le très beau L’air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre. Son style aquarelle l’en détache par la sensibilité ornithologique et la douce grisaille qui enveloppe le tout.

Les personnages sont rapidement identifiés et attachants, incluant l’environnement, sa faune et sa flore. L’aspect didactique et presque scolaire de l’approche de la nature ne gêne en rien l’histoire ou la lecture du film. Le tout, dans ses thématiques et ses visuels, rappelle les travaux de Frédéric Back, maître de l’animation française qui apportait énormément d’attention à l’éducation par l’image et sa plasticité.

Le gros point noir du film n’en est pas vraiment un : ce n’est pas assez long. Un film tel que Drôles d’oiseaux est un appel à la rêverie et à la contemplation. La richesse de la faune rend presque frustrant que le film ne compte pas une dizaine de minutes supplémentaires.

Mais le tout est convainquant et étonnamment universel à la vue du jeune public qu’il visait au départ. Une belle découverte engageante et maîtrisée.

La forêt de Mademoiselle Tang de Denis Do

En plongée, on voit une famille attablée juste derrière la porte d'entrée de leur vieille maison. Le Brun de bois de la table se confond avec les tuiles marrons du sol. Il semble faire chaud, et tout le monde est préoccupé.
© Special Touch Studio

“Partir ou rester ? Le réalisateur Denis Do nous entraîne dans une quête existentielle à travers les générations d’une seule et même famille, secouée par 200 ans d’histoire en Chine. Une chronique familiale profondément humaniste.”

Représenter une histoire sur 200 ans est forcément défi, d’autant plus sur un format aussi “court”. (Le bébé fait quand-même 40mn).

Pour cela, Denis Do ne cherche pas à entrer dans les détails historiques et personnels de son histoire. À la manière de ses visuels, épurés et efficaces, il retransmet plus une émotion qu’un portrait fidèle du pays et ses habitants. La palette de couleurs comme de personnages s’enrichie à mesure du film, donnant à voir un drame humain étrangement paisible.

Tout le sel de La forêt de Mademoiselle Tang se joue dans ses détails, et c’est là que l’animation se joue. Tout est réfléchi, car à l’inverse d’une prise de vue réelle, il ne suffit pas de poser un objet sur une table pour en voir toutes les coutures. Ici, comme dans les autres films, chaque parcelle de l’image est réfléchie, mûrie et dessinée des dizaines voir centaines de fois. Et ce film est un film d’objets, par lesquels passent et restent les traces des personnages. Ce sont eux qui marquent et rappellent qu’il y a eu un avant, et y aura un après.

Une proposition tout en détails et en finesse, ladite forêt nous laisse derrière elle avec un arrière-goût doux-amer. Car le film se ferme en même temps que nos yeux sur un message triste et plein d’espoir : l’histoire ne se terminera pas avec nous.

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