L’Échappée d’Anthony Chen : Un voyage vers un passé indélébile

l'échappée drift

Après le parcours exceptionnel d’Un Hiver à Yanji, Anthony Chen revient déjà sur grand écran avec son nouveau film L’Échappée (Drift)

Toujours avec des thématiques qui lui sont chères, Anthony Chen aborde l’immigration, l’amitié et la force des relations humaines à travers L’Échappée. Jacqueline est une femme qui cherche à être sauvée de son passé. Se mêlant entre douceur et dureté, le rythme est parfois irrégulier mais d’une écriture juste et à la fois glaçante.

“Jacqueline (Cynthia Erivo), une libérienne, s’échappe de justesse de son pays déchiré par la guerre pour rejoindre une île grecque. Elle offre des massages aux touristes en échange d’un ou deux euros afin de se nourrir, avant de rencontrer une guide touristique, Callie (Alia Shawkat) dont elle se rapproche.”

Jacqueline dans les rues grecs
© Epicentre Films

Retour vers le passé

Dans une fresque assez Dardennienne, Anthony Chen se concentre dans la première partie sur cette femme, Jacqueline, sans abri et sans emploi en Grèce, qui se bat pour survivre. Proposant ses services de massage sur les plages bondées, cette femme brisée n’est jamais jugée par la caméra. Dans une quête de survie difficile à voir tant sa détresse nous frappe, Jacqueline, elle, reste fière; elle ne vole pas, ne mendie pas et elle dort dans une grotte loin des regards.

Au fur et à mesure, des flashbacks apparaissent, la frappant sans crier gare, pendant qu’elle masse ces femmes sur la plage, pendant son sommeil… On assiste au déclin de sa vie pourtant aisée au Libéria. On apprend qu’elle était heureuse, riche, dans une famille aimante. L’Échappée plonge vite dans le drame social, n’hésitant à nous faire ressentir ce que beaucoup de réfugiés politiques vivent quotidiennement, avec des souvenirs d’horreur, brisés par ce qu’ils ont vécu. Anthony Chen aborde aussi la façon dont les pays privilégiés se permettent de traiter ces réfugiés, dont le besoin est vital.

Manquant parfois de rythme, la première partie est très lente. On ressent une partie de la souffrance de la protagoniste et l’impossible vie qui lui reste. C’en est presque insupportable à regarder, tant sa souffrance est criante, dans un silence effrayant. En plongeant dans la vie et les bribes de souvenirs fracturés de Jacqueline, le spectateur va se soucier d’elle.

La puissance de l’amitié

La deuxième partie de L’Échappée se concentre sur cette rencontre avec Callie, une américaine tombée amoureuse de l’île, qui va directement accueillir l’amitié de Jacqueline sans aucun jugement ni préjugé. Après une longue et dure première partie, l’arrivée de Callie apporte un peu de douceur à ce drame, montrant une belle amitié naissante malgré les non-dits de Jacqueline. Les sentiments sont purs et sincères, et en renouant avec une personne, les souvenirs de Jacqueline vont ressurgir plus vite, comme si elle avait un besoin essentiel d’extérioriser.

Anthony Chen enveloppe nos deux protagonistes d’un mystère flottant. Des scènes avec peu de dialogues – comme si elles se comprenaient d’un regard – dans un paysage idyllique, vont sublimer le film visuellement. Toujours avec de belles couleurs, de plans cadrés à la perfection, L’Échappée laisse entendre que l’espoir arrive pour Jacqueline.

Le rythme étant plus soutenu, le film paraîtra moins long mais les flashbacks apparaissant de plus en plus, la descente aux enfers va être terrible tant elle va être brutale, dure et glaçante.

L’Échappée est un drame social beau, sensible et dur à la fois. Il ne plaira pas à tous et son rythme irrégulier, son histoire impitoyable, demanderont de s’accrocher le long de la séance. Mais le film d’Anthony Chen ne vous abat pas. Sa fin sème l’idée que malgré toute l’horreur du monde, les réparations sont possibles, et que des personnes exceptionnelles peuplent une terre et où l’espoir ne meurt jamais vraiment.

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