Le Syndrome des amours passées : Interview de la réalisatrice Ann Sirot

Le syndromes des amours passées

Que feriez-vous si votre médecin vous ordonnait de recoucher avec tou.tes vos ex pour sauver votre couple ? Ann Sirot et Raphaël Balboni répondent à cette question avec un film plus que moderne : Le syndrome des amours passées.

Présenté lors du dernier Festival de Cannes, dans la sélection La semaine de la critique, Le Syndrome des amours passées présente avec tendresse des questionnements autour du couple, aussi intimes que collectifs soient-ils. Se dessine alors une fable, où dialogues tiraillés et scènes dansées se mêlent pour ne former qu’un seul langage : celui de l’amour.

“Rémy (Lazare Gousseau) et Sandra (Lucie Debay) n’arrivent pas à avoir d’enfant car ils sont atteints du “Syndrome des Amours Passées”. Pour guérir, il n’y a qu’une seule solution : ils doivent recoucher une fois avec tou.te.s leurs ex.”

(c) KMBO
Après le succès d’Une vie démente, vous revenez avec un projet très original, mêlant la comédie romantique au fantastique. Comment vous est venue cette idée ?

ANN SIROT : Avec Raphaël Balboni, mon co-scénariste et co-réalisateur, on a du mal à exactement déterminer comment est venue l’idée. Il y a plusieurs désirs qui se croisent et qui donnent ce film. D’abord, celui de continuer à travailler sur le couple, la famille, la fidélité. Après ça, il y a aussi le désir de faire une vraie fantasy comedy à l’américaine, basée sur un postulat de départ assez burlesque et fantastique qui va soutenir la comédie tout le long du film. Il y a comme exemple Menteur Menteur avec Jim Carrey, l’histoire d’un avocat qui ment tout le temps, ou Hibernatus aussi.

On s’est dit qu’il fallait qu’on mette un petit couple gentiment traditionnel dans une situation très épineuse, dans un nœud. Le Syndrome des amours passées encourage à se laisser de l’espace pour créer des couples et des familles qui nous ressemblent. Ça ne veut pas dire que le modèle mainstream ne fonctionne pas. Le couple c’est quelque chose de particulier, à la frontière entre l’intime et le social. Je prends souvent comme exemple qu’on est des êtres avec un accès au sommeil si différent et on a pourtant cette injonction à dormir toutes les nuits ensemble, et c’est éprouvant. Il y a pleins de choses comme ça dans le couple, qui montrent que c’est un espace de création.


« De manière générale, l’empathie pour le personnage féminin est toujours plus dur à trouver, il y a toujours plus de jugement sur elle »


Vous travaillez en duo avec Raphaël Balboni, et traitez souvent de relations à deux. Comment gérez-vous à la fois l’équilibre dans votre duo de scénaristes-réalisateurs, et dans les couples que vous mettez à l’image ?

ANN SIROT : Pour le moment, on n’a jamais fait de films où il y avait un personnage principal central qu’on suit de A à Z. On a toujours fait des films où il y avait plusieurs protagonistes principaux avec, pour nous, comme enjeu de ne pas créer de décalage d’empathie lors du montage-image. De manière générale, l’empathie pour le personnage féminin est toujours plus dur à trouver, il y a toujours plus de jugement sur elle. Alors au montage, il y a un gros travail à faire pour s’assurer que l’empathie du public soit équilibrée.

Dès les premières images, on commence à se questionner sur la place des acteurs dans le processus de création. Quel est votre travail sur les dialogues et de l’espace d’improvisation sur le tournage ?

ANN SIROT : C’est partiellement improvisé. C’est de l’improvisation très préparée. Nous, on n’est pas du tout attachés à représenter les choses de façon naturaliste. Par contre, la manière de parler, c’est très important que ce soit extrêmement vraisemblable. Notre scénario mêle les didascalies et les dialogues. On raconte de façon assez détaillée ce qui se passe dans la scène, l’enjeu, le conflit, les arguments,… On décrit la discussion mais on ne fixe pas des lignes de dialogues que les acteurs doivent apprendre par cœur. Ils répètent beaucoup mais ils ne sont pas préparés par l’apprentissage du texte. Ça leur permet d’apprendre à se connaître, de travailler avec l’autre, et de nous, nous sentir plus stable dans notre structure. Notre montage en jump cut, c’est aussi pour ça, pour capturer ces moments sans avoir à leur demander de les refaire.

(c) KMBO

«On voulait que nos scènes soient ludiques, sans maltraiter la sexualité »


Et face à ces scènes dialoguées, on retrouve quelque chose de très frais et clipesque : des scènes d’amour fantasmagoriques sur fond de musique. Pourquoi avoir fait ce choix de mise en scène ?

ANN SIROT : On voulait que nos scènes soient ludiques sans maltraiter la sexualité. On voulait essayer de créer quelque chose qui ne soit pas dans le voyeurisme. Notre collection de photos de Jimmy De Sana qui nous a beaucoup inspirés. Ce sont des images de couples dans le quotidien avec de la nudité mais aussi un peu de maladresse et de tendresse. Pour ce qui est du son, on filme tout et on monte pour avoir une maquette. Cette maquette permet de tester des choses avec la musique pendant le tournage. La compositrice nous a rejoint pendant le montage et c’était une super collaboration. On aime mélanger le classique et l’électronique, on pensait avoir besoin de deux personnes pour la composition. Et au final non, et c’était assez impressionnant.

Comme votre précédent long métrage, le film est finalement assez court : 1h30. Est-ce un choix qui vous vient naturellement pendant le scénario/le tournage ou est-ce une conséquence de la hachure du montage ?

ANN SIROT : J’ai l’impression qu’on a quand même une inclinaison vers une certaine compacité. C’est peut-être notre amour pour la comédie qui fait ça, c’est exigeant en terme de rythme. Il faut que le public reste sur notre cheval.

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