Cinq ans après son précédent court-métrage Villeperdue (prix du jury et du public au festival du film francophone de Namur), Julien Gaspar-Oliveri signe son retour avec L’Âge Tendre. Illustrant cette fois-ci la détresse et le quotidien de Diane (Noée Abita), une lycéenne de seize ans, le réalisateur frappe juste avec cette illustration d’une quête d’attention.
Diane vit avec sa mère en appartement. Entre l’école et la maison, c’est le jour et la nuit. Chez elle, l’adolescente reçoit toute l’attention maternelle possible et cherche constamment ce regard et cet intérêt chez les jeunes de son âge. Maladresses, tensions et expériences s’enchaînent, car Diane exige qu’on la regarde et que l’on s’intéresse à elle.
Le désir du regard
Quand on décide de jouer la carte de la puissance émotionnelle, autant planter le décor rapidement. Dans un silence glacial, L’Âge Tendre s’ouvre sur une scène de masturbation. Diane fixe son partenaire, lui rappelant de toujours la regarder dans les yeux sous peine d’arrêter son action. Le plan, dans un ordinaire champ-contrechamp, laisse observer la quiétude et la satisfaction de sa protagoniste. En ce sens, Julien Gaspar-Oliveri cherche continuellement à capter les émotions contenues dans les yeux de ses personnages. Aucun plan n’échappe d’ailleurs à cette règle. La caméra ne se promène pas entre les personnages et les lieux mais reste à l’affût des regards croisés par une douceur juvénile. Ici, la force du propos réside surtout dans ce qu’illustre son cinéaste : la jeunesse insolente, méchante et insouciante. Sans jamais porter de jugement moral, il démontre plutôt que leurs problèmes sont endémiques dans notre société.
La figure de l’adulte est catégorisée en deux formes distinctes dans le court-métrage. Dans un premier temps, on observe la figure de l’autorité à l’école être désarmée. La professeure ne peut plus et n’essaie plus de se mettre entre ses élèves. Lors de la photo de classe, l’attention ne peut être canalisée vers le photographe et la professeure. Diane, dans sa quête d’attention, exhibe sa poitrine face à ses camarades amusés. L’autre figure adulte s’incarne par le personnage de la mère de Diane. On ressent très rapidement une complicité particulière entre les deux personnages. Mais de cette attention ressort une exaspération certaine, typique de l’adolescence. La scène finale, mère et fille enlacée, est d’une puissance inattendue et résonne en nous comme un cri d’alerte, celui du besoin de reconnaissance.
Pré-nominé pour le César 2022 du meilleur court-métrage, L’Âge Tendre captive dans son intention. Toujours un ton dans le sous-jeu, il rapproche interprètes et spectateurs dans cette tranche de vie tellement commune qu’elle en devient exceptionnelle. Crevant l’écran par sa présence, Noée Abita confirme – après son incroyable performance dans Slalom – qu’elle a toutes les cartes en main pour devenir une actrice pérenne de nos salles obscures.
Disponible sur Arte.tv jusqu’au 14 mai