La Vie de ma mère de Julien Carpentier : À fleurs de peau

« C’est aujourd’hui dimanche, tiens ma jolie maman. Voici des roses blanches, toi qui les aimais tant ». Cette comptine florale arracherait les larmes du plus anti-écolo des hommes. La Vie de ma mère aussi ?

Avec La Vie de ma mère, Julien Carpentier réunit une grande dame du cinéma français, Agnès Jaoui, et son étoile montante, William Lebghil, dans une histoire mère-fils dysfonctionnelle et perturbée par la maladie. Cette histoire qui pourrait être triste à pleurer, sème en réalité les graines d’une comédie douce-amère.

“Pierre, 33 ans (William Lebghil) fleuriste à succès, voit sa vie basculer lorsque sa mère, Judith (Agnès Jaoui) fantasque et excessive, débarque dans sa vie après deux ans sans se voir. Pierre n’a qu’une idée, reprendre le cours normal de sa vie, mais rien ne se passe comme prévu. Leurs retrouvailles, aussi inattendues qu’explosives, vont transformer Pierre et Judith à jamais.”

(c) KMBO

Bipolaire de famille

Agnès Jaoui est une habituée des règlements de comptes familiaux (Un air de Famille, On connait la chanson..) et forme d’ordinaire la branche pragmatique de ses arbres généalogiques. Ici, elle incarne pourtant, à contre-emploi, le rôle de l’élément perturbateur. Atteinte de bipolarité, ou syndrome maniaco-dépressif, elle fait voler en éclat le fragile ecosystème qu’a crée son fils William Lebghil – lui aussi dans un rôle inhabituel. D’habitude force comique motrice de ses long-métrages, il incarne ici un personnage de fleuriste ombrageux, dans un registre bien plus dramatique. La bipolarité au coeur du sujet rejoint donc celle de leurs compositions d’acteurs, une idée fertile.

Ce contraste des intensités de jeu et des humeurs, crée bien entendu tout le parfum de ces films, quand les caractères contrariés se rejoignent malgré les affres de la maladie. La France n’est pas avare de films sur les troubles psychologiques, mais souvent dans une tonalité tragique évidente. On pense aux récents Les Intranquilles (Joachim Lafosse) ou encore En attendant Bojangles (Régis Roinsard). Sur le sujet, on trouve plus aisément de la comédie de l’autre côté de l’Atlantique, comme récemment, la romance entre Bradley Cooper et Jennifer Lawrence, Happiness Therapy, elle aussi centrée sur la bipolarité. La greffe prend-elle ?

La guerre des Roses

La Vie de ma mère est donc, foncièrement, plus un film de comédiens  qu’un film de réalisateur. Ceci n’interdit toutefois pas à Julien Carpentier de créer quelques beaux plans de cinéma, comme cette escapade au soleil couchant sur les dunes. Un beau moment. L’essentiel de la réussite du métrage passera donc par ses comédiens qui, sans déflorer l’intrigue, brillent dans leurs compositions.

Certes, l’immense talent comique de William Lebghil est malheureusement sous-exploité pour les besoins de la dramaturgie, circonscrit dans des dialogues hilarants avec l’impeccable Salif Cissé (A l’abordage). Des moments comiques qui constituent des respirations bienvenues du film. L’ex Slimane de SODA – qui bien germé – se révèle en revanche  bouleversant dans le registre dramatique, et se coordonne à merveille avec la douce folie qu’instille Agnès Jaoui. Une belle rencontre, agrémentée de beaux dialogues, qui filent la métaphore sur le pouvoir curatif des fleurs.

(c) KMBO

Loin des clichés plombant sur la maladie et des films tire-larmes, La Vie de ma mère de Julien Carpentier constitue une douce chronique familiale, portée par des comédiens talentueux et attachants. Une jolie réussite.

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