La Ballade de Narayama (Palme d’or 1983), réalisée par Shôhei Imamura, ici dans sa version 4K, raconte l’histoire d’un village de montagne reculé où la rareté de la nourriture conduit la petite population s’agrandissant à une politique acceptée de tous dans laquelle les parents portent des membres de la famille de 70 ans à mourir dans la montagne de Narayama.
La Ballade de Narayama se construit autour de cette « tradition » qui peut sembler radicale, voire abusive mais qui, dans ce village où la famine règne, semble normale pour ses habitants, un village où les mort-nés pourrissent dans les champs pour faire l’engrais. Il n’y a pas que la famine mais aussi la violence sexuelle et la saleté qui viennent ajouter à ce tableau réaliste d’Imamura une grande puissance naturaliste.
L’animalité humaine
La Ballade de Narayama vient ici fouiller et disséquer ses personnages pour montrer toute leur animalité découlant de la pression sociale, à l’image de la famille de voleurs qui va être sujet au jugement du village et être ensuite éliminée, tuée et enterrée vivante dans la froideur la plus totale. Scène aux consonances horrifiques dont la puissance est décuplée par le fait qu’Imamura dépeint durant tout le film le quotidien des villageois de façon anthropologique voire ethnographique, la caméra se plaçant dans un point de vue où nous sommes témoins des pratiques du village et le contraste entre la vie tranquille, quotidienne et ce genre d’actes qui en décuple donc la puissance de ces derniers.
Les amants s’entrelacent dans les feuilles, à même la terre comme deux serpents s’enroulant l’un autour de l’autres. Imamura refait sortir cette animalité aussi par le montage intégrant des plans d’animaux en pleine action imités symboliquement par les personnages. Tantôt l’accouplement donc, tantôt le serpent mangeant la souris, représentant le plus fort ne laissant aucune chance au plus faible.
Une quête ésotérique
Ici l’humain n’est pas malin, il est borné, bourru, sadique et soumis à ses pulsions autant sexuelles à l’image du « puant » en constante recherche de rapports sexuels. Chaque personnage suit une quête qui lui est propre.
La grand-mère Orin veut monter en haut de la montagne pour accomplir cette tradition de survie et pour cela elle va jusqu’à se briser les dents elle-même sur le rebords d’un puits. Mais avant cela, elle veut trouver une femme pour son fils Tatsuhei, qui, quant à lui, veut à tout prix éviter de ressembler à son père.
Dans une séquence finale dans laquelle ce dernier emmène sa mère Orin au mont Narayama dans une totale absence de dialogues, on ressent tout le poids du monde qui entoure les personnages, tant par le village, par les responsabilités et par la nature. Toute l’ascension se pose ici comme une catharsis silencieuse mettant à nu le fils et sa mère.
Imamura nous propose un tableau de l’humain dans sa nature brute. Il est un animal cruel qui chasse pour sa survie et son propre plaisir sadique. Il tend à se reproduire et à éliminer les menaces qui pèsent sur « sa meute ». Mais il est surtout naïf par ses croyances, fasciné par un flocon de neige signe de la pureté qui lui semble inatteignable.
Disponible en digipack chez The Jokers
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