Dans Kajillionaire, Old Dolio a 26 ans et a grandi en apprenant à escroquer, arnaquer et voler auprès de ses parents. Lorsqu’ils font la rencontre de Mélanie, c’est tout un monde qui s’effondre…
Présenté en compétition officielle lors de la 46ème édition du festival de cinéma américain de Deauville, Kajillionaire est le troisième long-métrage de la talentueuse Miranda July (Moi, tous et tous les autres & The Future). Peu reconnue outre-Atlantique, on espère qu’elle saura convaincre le public français lors de la sortie nationale du film le 30 septembre prochain.
Des relations toxiques
Commençant comme un film de casse (qui se réfère à Ocean’s Eleven ou Mission Impossible à en croire les personnages), Miranda July n’a aucun intérêt à nous mener vers des pistes trompeuses et définit en quelques instants l’âme de son film avec cette introduction qui met en avant Old Dolio (la protagoniste) et ses parents perpétrer le – tout sauf spectaculaire – braquage d’une banque. Kajillionaire, dès son titre, respire l’excentricité et c’est tout un univers qui se construit autour de celle-ci : un père, une mère et une fille vivants comme des escrocs perchés, un bureau en guise de foyer ravagé par du savon tous les jours, un propriétaire avec des problèmes mentaux…
Loin d’atteindre le génie de l’absurde de Quentin Dupieux malgré un humour bien marqué, les situations présentées dans le film nous étonnent et parviennent à attiser la curiosité que nous avons pour ces personnages seuls et cloîtrés dans un monde qui n’est pas le notre. Nombreux sont les films qui mettent en avant la solitude, Spike Jonze et Sofia Coppola l’ont filmé avec douceur dans Her et Lost in translation, et Kajillionaire est un nouveau film qui a pour point d’accroche la déréliction. En revanche, ce mal-être ne définit pas le personnage, et c’est plutôt les origines de celui-ci qui sont au centre de l’intrigue.
Là où il excelle, c’est dans sa capacité à poser des mots et des images sur le sujet des relations toxiques. Cela fait 26 ans qu’Old Dolio est entraînée dans cette folie orchestrée par son père et sa mère et qu’elle subit cette relation toxique sans en prendre conscience.
Changer sa vision du monde
Kajillionaire, c’est l’histoire d’une victime qui ouvre les yeux sur la réalité et le cheminement jusqu’à cette révélation. La douleur d’Old Dolio est exclusivement maternelle, car c’est à cause du manque d’amour depuis sa jeunesse qu’elle souffre. Lorsqu’elle se retrouve malgré elle face à une vidéo d’un nourrisson qui remonte jusqu’aux tétons de sa mère, sa vie change.
Il y a, dans le film, plusieurs évènements qui changent sa manière de concevoir le monde, et c’est grâce à eux qu’elle parviendra finalement à s’évader de sa condition de victime. Ils sont par ailleurs représentés de manière métaphorique par des séismes qui font irruptions de temps à autre, et qui, lors de sa toute dernière secousse (le « séisme final »), transcende Old Dolio et la transforme à jamais (une scène sublimée par un plan-séquence dynamique, totalement contraire à la mise en scène employée auparavant envers elle).
Changement de registre pour Rachel Evan Wood (Westworld) qui étonne dans le rôle de cette femme perchée, mais qui ne porte pas le film à elle-seule. Gina Rodriguez (Mélanie) représente la rationalité (dans ses choix et ses paroles) et permet aux spectateurs d’être en présence d’une âme prévisible mais chaleureuse. Sa présence dans la seconde partie du film relève définitivement le niveau et permet au métrage de nous bouleverser.
À plusieurs reprises, Old Dolio rêve d’une autre vie. Malheureusement, ce ne sont pas les rêves qui la sauveront mais bien la réalité. Kajillionaire émeut comme il nous fait rire et touche juste dans sa réflexion sur la solitude.
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