La trilogie Indiana Jones de Steven Spielberg : L’Aventure, c’est l’aventure

Saga au souffle épique, Indiana Jones a su s’imposer sur le grand écran comme un rendez-vous immanquable au fur des décennies. Son aventurier légendaire a su marquer des générations entières à la recherche du frisson parfait entre mythe et action.

Qu’obtenez-vous en additionnant le papa de Star Wars et le fondateur des studios Amblin ? Cette question, ou plutôt ce calcul commercial, c’est celui que s’est proposé de résoudre la Paramount à l’aube des années 80 – lorsque l’univers du divertissement n’était pas encore dominé par le noir Seigneur Disney – en pariant sur ces deux bâtisseurs d’imaginaires que sont George Lucas et Steven Spielberg. Deux rejetons des productions B des années 50 qui avaient le même goût de l’aventure et une idée très claire en tête : rendre hommage à la culture pulp en la ressuscitant dans les yeux du grand public.

Marion fait face à Indiana Jones, dont seul son ombre se marque sur le mur derrière elle.
© Paramount Pictures

Fiction pulpeuse

A la croisée des années 70 et 80, le vent tourne à Hollywood. Le Nouvel Hollywood, avec ses héros torturés et ses récits désenchantés, touche à sa fin, et une nouvelle génération de cinéastes rêve de redonner au grand écran ses lettres de noblesses populaires. George Lucas et Steven Spielberg en font immanquablement parti. Ils ont déjà conquis les foules : l’un propulsé le space-opera au firmament avec Star Wars, l’autre fait trembler la planète entière avec les mâchoires mécaniques d’un certain requin. Mais au lieu de se reposer sur leurs lauriers, les deux compères décident de repartir à l’aventure. Ils décident de tracer leur chemin qui, sans même le savoir, donnera naissance à la suprématie geek (notre héritage). Les pionniers d’une nouvelle ère s’envolent pour tutoyer les étoiles.

C’est bien connu, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Pour donner naissance à un nouveau mythe, nos deux petits nerds vont se servir de leurs notions en chimie et s’enfermer dans leur laboratoire. Grâce à l’expérience Star Wars, ils ont compris qu’il suffit parfois de retoucher un brin de l’ADN d’une recette éculée, d’y injecter un souffle de nouveauté, pour raviver un mythe collectif et le projeter dans la modernité. En puisant ainsi dans l’imaginaire sans fond des pulps, les deux amis accouchent d’une nouvelle espèce d’aventurier, quelque part entre James Bond et Flash Gordon. Une créature hybride, mutation réussie et synthèse de toute une culture populaire qui aurait pu se perdre dans les oubliettes du temps. En somme, un genre de Graal 2.0 du blockbuster avec à la clé pour la Paramount, la signature d’une franchise à 9 zéros.

On prend les mêmes, et on recommence

Pour incarner et porter le charisme de ce nouveau héros, il fallait rien de moins qu’un acteur capable de marquer les esprits. Si le premier choix de Lucas et Spielberg s’était porté sur Charles Heston, c’est finalement Harrison Ford qui héritera du rôle. Un choix logique : l’acteur avait déjà prouvé son aisance dans l’aventure sous la houlette de Lucas, en prêtant ses traits au désormais iconique Han Solo. Il ne lui restait plus qu’à troquer le blaster et la veste de contrebandier pour le fouet, le cuir et le célèbre fedora d’Indiana Jones. Le capital sympathie est recyclé et le jeu intrépide et sarcastique de Ford offre un cachet indéniable au film, une touche d’humour qui force la compassion.

Mais Harrison Ford n’est pas le seul à rempiler pour cette épopée. Lucas et Spielberg peuvent une fois encore compter sur leur complice de toujours : le magicien de la musique aux doigts de fée, John Williams. Comme il l’a fait pour Star Wars ou Rencontres du troisième type (1977), le compositeur revient allouer ses services pour signer une bande originale inoubliable. Son orchestration, grandiose, imprime au film une énergie épique, une vitalité presque palpable. Williams se surpasse, comme à son habitude. Sa musique ne se contente pas seulement d’accompagner les images, elle les grave dans la mémoire du spectateur. Dès les premières notes des Aventuriers de l’arche perdue (1981), et cela jusqu’aux dernières de Indiana Jones et le cadran de la destinée (2023), sa partition transmet un incroyable enthousiasme qui aura su traverser le temps et les générations.

© Paramount Pictures

Donjons & Archéologies

A la fin des années 70 post-Vietnam, l’Amérique a besoin d’à nouveau rêver. L’époque n’est plus au désespoir, mais à l’évasion. Le public veut de l’ailleurs, il veut continuer à tutoyer les étoiles en mangeant du popcorn, un regain de merveilleux. Simplement de quoi décrocher du quotidien le temps d’une séance. Pourquoi ne pas leur offrir alors une grande chasse au trésor, façon pirates, avec un artefact mythique arraché aux pages dorées de la Bible ? Un objet sacré aux vertus magiques, qui serait bien sûr convoité par un groupuscule de méchants nazis avides de pouvoir, décidés à mettre la main dessus pour asseoir une bonne fois pour toute leur domination sur le monde.

L’idée, bien qu’alléchante, ne vient pourtant pas de Lucas ou Spielberg, mais du scénariste attitré au projet : Lawrence Kasdan, avec qui Lucas avait déjà collaboré pour l’écriture de L’Empire contre-attaque (1980). Avec cette savoureuse prémisse, les trois auteurs établissent immédiatement le ton et le succès à venir de la saga : un mélange d’aventure épique, d’exploration de civilisations éteintes et de quête d’artefacts magiques. Une promesse de récit qui saura jongler entre le fantastique et l’action habilement orchestré par un Steven Spielberg en plein possession de son génie.

De l’Arche d’Alliance, recelant une force divine destructrice, à l’une des cinq pierres de Sankara dérobées par la secte secrète des Thugs en Inde, en passant par la quête arthurienne du Graal procurant l’immortalité, jusqu’à la recherche du Crâne de Cristal aux propriétés télépathiques et du Cadran de la destinée et de son pouvoir d’inversion temporel, ces « babioles » ne sont que de fascinants MacGuffins. Un prétexte pour tisser de soigneuses intrigues et propulser notre aventurier aux quatre coins du globe, nous offrant par la même occasion cet irrésistible appel de l’aventure avec un grand A.

Le passage du flambeau

A en juger par ses deux derniers volets, on pourrait penser, sans mauvais jeu de mot, qu’Indiana Jones a fait son temps. L’étincelle commence à s’éteindre. Alors plutôt que de pleurer cette future absence, deux voies s’offrent à nous. La première, c’est celle du retour au Source. Comme Indiana, regarder dans le rétroviseur : L’Homme de Rio (1964) avec son Belmondo cabriolant à travers la jungle ou Le voleur de Bagdad (1940), des précurseurs qui ont nourrit le mythe. La seconde, plus réjouissante, consiste à se tourner vers sa descendance : Benjamin Gates, avec son Nicolas Cage survitaminé, La Momie et ses ennemis d’outre-tombe, ou encore la saga vidéoludique Uncharted. Et d’autres encore, qui ne demandent qu’à voir le jour pour prendre le relais. Car s’il y a bien une chose que nous a appris notre archéologue, c’est cette passion pour la transmission : préserver l’Histoire, raconter des contes, faire naître l’émerveillement.

A travers Indiana Jones, Steven Spielberg et George Lucas ont aussi parlé d’eux, de leur métier, ils se sont interrogés sur ce que cela signifie de raconter des histoires : de devoir exhumer des trésors enfouis dans les recoins de notre imaginaire. Ils ont planté la graine, à nous désormais de faire grandir l’arbre.

Les quatre premiers volets d’Indiana Jones sont dès à présent disponible sur Netflix.

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