Deux ans après la baby-sitter psychopathe dépeinte dans Chanson Douce, Jérémie Elkaïm s’intéresse à l’immigration avec son nouveau long-métrage intitulé Ils sont vivants.
Officiellement démantelée en 2016, la « jungle » de Calais accueillait chaque année un grand nombre de migrants qui y résidaient temporairement le temps de rejoindre clandestinement le territoire du Royaume-Uni. Ce fut le cas de Mokhtar (Seear Kohi), enseignant iranien cherchant plus que tout à rejoindre l’Angleterre et croisant la route de Béatrice, l’héroïne du film (interprétée par Marina Foïs) et l’autrice du roman autobiographique Calais mon amour , paru en 2017, dont Ils sont vivants est adapté.
Béatrice vit avec son fils et sa mère. Sa rencontre avec un migrant et son engagement qui vont suivre vont bouleverser son quotidien et ses convictions…
« Marine, tu sais ce soir ça va mal… »
Il faudra seulement quelques instants aux spectateurs pour comprendre la vie et le quotidien morose de Béatrice. Elle fait face à l’enterrement de son mari, travaille en tant qu’infirmière dans le service gériatrique et semble détester sa vie. On en retient immédiatement une protagoniste peu empathique et dont on pourrait se passer. D’autant plus qu’il s’agit en réalité d’une sympathisante FN habitant à une vingtaine de kilomètres de la « jungle » de Calais, soit l’équivalent d’une souris qui vivrait non loin d’un chat… Mais un soir, elle est obligée de ramener un soudanais et découvre la réalité du camp où l’insécurité règne, les vêtements manquent et la nourriture bien trop limitée.
« Mais Marine, t’es forcément intelligente… »
L’intérêt du film (du moins dans sa première partie) repose sur la découverte et l’exploration de ce milieu, souvent filmé à l’aide d’une caméra portée pour l’immersion, mais cette fois-ci de l’intérieur et du point de vue de Béatrice. Tout comme elle, nous découvrons ce que veut dire être bénévole dans un tel endroit et tout ce que cela implique. Jusque-là, le film se pare des allures d’un documentaire. Il en diffère cependant par sa capacité à adapter la réalité à la vie de cette femme atrocement seule, et voulant faire du bien coûte que coûte, quitte à en perdre le contrôle. Lors d’une de ses visites au camp, elle fait face à la naissance de bébé chiots et de migrants émerveillés. Mais la plus émerveillée, c’est elle, car elle y découvre qu’il y a de la vie dans cette « jungle » qu’elle pensait morte…
« Marine, regarde-nous, on est beau… »
Ils sont vivants est un film radicalement différent dans sa seconde partie même si son ode à la tolérance reste remarquable. Si la première partie du film nous permettait de découvrir, la seconde est un combat incessant entre l’amour et la haine, l’attraction et la répulsion. Les activités bénévoles et amoureuses de Béatrice sont évidemment jugées et critiquées par la sphère publique et privée (qu’attendre de mieux d’un entourage pro-FN ?), mais cet aspect n’est pas suffisamment creusé pour nous conquérir.
La seconde partie du film subit le poids de la relation amoureuse et sexuelle entre Mokhtar (l’enseignant iranien) trop imposante et faisant du surplace. Gênante au début pour le spectateur, acceptable au fur et à mesure puisque nous n’avons pas le choix, et compréhensible finalement à la toute fin du film lorsque l’on apprend qu’il s’agit en réalité d’une histoire vraie. « Ils sont vivants », s’écrie Béatrice. Mais en hurlant ses mots, il se pourrait bien qu’elle comprenne qu’elle vit enfin elle aussi.
Ils sont vivants est en streaming sur MyCanal