Après une belle année 2021 et un solide démarrage de 2022, le cinéma iranien revient dans les salles françaises ce 27 avril avec Hit the road, un road movie sur le délitement d’une famille livrée à elle-même – et dont les raisons et la destination resteront longtemps mystérieuses. Pour son premier film, Panah Panahi fait preuve d’une capacité merveilleuse à filmer les émotions, au risque de heurter le même écueil que bon nombre de primo-cinéastes : à vouloir trop en faire, on dilue le propos.
Ayant fait le tour des grands festivals, Hit the road s’est frayé un chemin jusqu’à nos salles précédé d’une belle réputation. Suivant les pérégrinations d’une famille à travers les plaines et montagnes perses, le film s’intéresse, chose rarissime en Iran, au sujet de l’immigration clandestine et de ses effets sur “ceux qui restent”. À première vue, le genre du road movie avait tout pour être le canevas idéal d’un tel propos, mais c’est malheureusement tout l’inverse qui se réalise. Au lieu de chercher l’épure, Hit the road donne un sentiment de trop-plein, à cause de ce genre cinématrographique inopportunément choisi.
Un propos unique dans le cinéma iranien
D’abord social et porté vers l’intérieur, le cinéma iranien s’intéresse rarement à ce qui se trame hors de ses frontières. C’est tout le sel du scénario de Panah Panahi qui montre, sans le dire, que la jeunesse iranienne peut aussi ressentir l’appel du large occidental – comme d’autres jeunesses moyen-orientales ou africaines. Là est toute la force du film, basant son propos sur les non-dits : au détour de dialogues anodins, on comprend combien l’immigration, à cause du manque d’opportunité au pays, peut déchirer une famille.
Dans la voiture qui les mène au point de rendez-vous des passeurs, la famille de Hit the road s’enferme dans le déni. La mère, campée par une exceptionnelle Pantea Panahiha, utilise l’humour pour oublier le fait qu’elle s’apprête à perdre son fils. Tandis que le père fait comme si de rien n’était et se chamaille avec son jeune fils exubérant, le grand frère se mure dans le silence, tant par peur de partir que par peur de s’en ouvrir. Au fond, c’est quand il étudie les caractères et se concentre sur les liens familiaux que Panah Panahi touche juste, autant grâce à la simplicité de ses répliques que par les interprétations remarquables de ses acteurs.
Le road movie n’était pas la route à suivre
Malheureusement, Hit the road s’engonce dans un genre qui le dessert. Le film aurait presque pu et dû être un huis clos, tant l’évolution du scénario est totalement décorrélée de ce qui fait habituellement l’intérêt d’un road movie, où les personnages évoluent avec les destinations. Dans Hit the road, la famille est à la fin ce qu’elle était au début. Toutes les scènes inévitables du genre (la voiture sur l’autoroute, les plans sur les routes à perte de vue, la panne, la perte de repères, etc.) ne font qu’alourdir une œuvre qui aurait gagné à ne se dérouler qu’en un seul lieu. Ce lieu idéal, peut-être était-ce les montagnes brumeuses de la dernière partie, où la famille accepte enfin le fait accompli et où les personnalités se dévoilent.
Car oui, tout le film aurait pu résumer à la dernière demi-heure, tant le reste paraît forcé. Dans la montagne où résident les passeurs, Panah Panahi montre toute l’étendue de son talent, au détour de scènes toutes plus surprenantes les unes que les autres, entre une partie qui ose le surréalisme et une autre qui, en musique, explique mieux que tous les mots du monde la nécessité d’accepter le destin.
Desservi par son genre, Hit the road s’en sort néanmoins grâce à l’originalité de son propos, traité avec subtilité. S’il n’est pas totalement convaincant, le métrage constitue néanmoins un premier essai intéressant pour Panah Panahi, qui sera assurément un artiste à suivre dans le fourmillant paysage du cinéma iranien.