Don’t look up, déni cosmique : Déni tout court

Meryl Streep Don't look up

Servi par un casting impressionnant et un scénario qui résonne énormément avec le climat politico-social actuel, Adam McKay réalise avec Don’t Look Up (produit par Netflix) un film qui se veut être un avertissement à la société, comme l’était Docteur Folamour dans les années 1960. Malheureusement, le pari est raté sur presque toute la ligne. Chronique d’un déni… très cosmique.

Après les succès critiques qu’ont été The Big Short (2015) et Vice (2018), Adam McKay revient avec Don’t Look Up, sorti sur Netflix le jour de Noël, avec la promesse d’une écriture au cordeau. En miroir de la crise du Covid, Don’t Look Up détaille la réponse des États-Unis face à la menace de leur propre extinction quand une comète se dirige vers la Terre. Incapables de s’accorder, les Américains se divisent en convaincus et sceptiques.

Les scientifiques joués par Di Caprio et Lawrence suivent la Présidente et son bras droit, qui leur sont sceptiques Don't look up

Le piège des films à message

Depuis les années 1970 et l’explosion du genre du film politique, peu de réalisateurs ont réussi à éviter le piège du message qui phagocyte le reste de l’œuvre. Autrement dit, plus le réalisateur croit son message important, plus il peut se laisser emporter et oublier d’ajouter les autres ingrédients nécessaires à la réalisation d’un bon film. C’était par exemple le cas de Spotlight (2015) de Tom McCarthy, œuvre fade comme jamais à cause d’une volonté exacerbée de faire “vrai”, poussant le réalisateur à dépouiller sa mise en scène et sa photographie au maximum, rendant le résultat contre-productif ; et c’est ce qui touche aussi McKay avec Don’t Look Up.

Comme ses récentes déclarations le prouvent, McKay voit en son œuvre un objet plus important qu’un simple divertissement. Encore fallait-il que le message soit pertinent : engoncé dans l’extrême polarisation politique qui touche les USA, McKay ne réalise en fait qu’un film de démocrate, qui diabolise sans nuance l’autre camp (la Présidente – parfaite Meryl Streep – qui nomme un agresseur sexuel reconnu à la Cour Suprême et qui lui envoie des nudes, même Donald Trump n’aurait pas osé) tout en confortant le sien dans ses positions. Très cliché, Don’t Look Up est au moins une des choses que McKay souhaitait, à savoir un film de son époque, incapable de faire un pas vers l’autre. C’est peut-être là qu’est la seule pertinence de l’œuvre : elle est aussi inconséquente que ne l’est le climat politique de nos jours.

Un manque d’ambition surprenant et décevant

Dans The Big Short, McKay impressionnait par sa manière de filmer les corps au cordeau, pour bien montrer comment une poignée de personnes pouvait causer la chute de toute une économie. C’est tout le contraire qui se passe dans Don’t Look Up. Malgré un casting qui fait un excellent travail, rien n’est fait pour réellement le mettre en valeur. McKay ne démontre malheureusement aucune ambition de mise en scène, et se contente de seulement montrer son histoire avec une apparente simplicité qui cache surtout une fainéantise décevante. La caméra, posée sans réflexion pertinente sur l’utilisation de l’espace, ne fait finalement que montrer l’action sans immerger le spectateur ou lui donner une impression de vivacité, qui caractérise en temps normal le cinéma de McKay.

Une réalisation sans relief

Caractérisé par une photographie fade, le film n’est qu’une succession de champs et de contre-champs sans saveur. Dommage quand on traite d’un sujet aussi écrasant que la fin du monde, pourtant propice à toutes sortes d’expérimentations visuelles bienvenues. C’est d’autant plus frustrant que les acteurs principaux se font rares et auraient mérité une exposition plus belle.

Quand on dispose d’acteurs au jeu aussi varié, les mettre en avant de manière aussi pauvre relève presque du sacrilège. Pourtant absent des écrans depuis deux ans et demi, Leonardo DiCaprio n’a rien perdu de son talent : on lui doit le seul segment réussi de Don’t Look Up, le fameux moment « à la Network » (l’appellation est exagérée), qui doit davantage à l’interprétation habitée de l’acteur qu’à la mise en scène de McKay. 

Don't Look Up

Aussi peu pertinent dans son propos qu’il est oubliable dans son côté artistique, Don’t Look Up est donc l’une des grosses déceptions de l’année. Ni Docteur Folamour (1964) ni Network (1976), le film de McKay ressemble plutôt à une version mineure de son propre travail… alors qu’il s’agissait là de son film au budget le plus important. Ironique.

Disponible depuis le 24 décembre en streaming sur Netflix

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