Didi de Sean Wang : Petit frère de l’an 2008

Did Sean wang

Préparez-vous à ressortir votre MP3, vos caméscopes familiaux et votre patafix… Didi de Sean Wang vous invite à replonger dans l’espace temps aussi technologique que chaotique de l’année 2008.

Les êtres humains sont condamnés à subir une constante mélancolie. La nostalgie des amis d’enfance, des musiques rocks de l’époque, des Skyblogs, des premiers amours,… Avec Didi, Sean Wang plonge dans ses propres souvenirs, au cœur des excentriques années 2000, pour délivrer un coming of age rafraîchissant et sincèrement drôle.

« En 2008, un mois avant le début du lycée, un jeune américain taïwanais de 13 ans (Izaac Wang), très impressionnable, apprend ce que sa famille ne peut pas lui enseigner : comment faire du skate, comment flirter, et comment aimer sa mère. »

© Focus Features

Adulte à tout prix

Alors que l’été 2008 nous paraît déjà à des années lumières, Sean Wang allume sa caméra et nous invite à découvrir sa capsule temporelle. À quoi ressembliez-vous cette année là ? Chris, lui, est un garçon tout à fait banal. En pleine transformation adolescente, il s’apprête à quitter le collège pour rejoindre les rangs du lycée. D’emblée, le film se positionne aux côtés de Ladybird et Supergrave, sous les traits d’un coming of age plus jeune, sensible et authentique.

Maniant à la perfection l’équilibre entre franche comédie et les drames du quotidien, Didi nous bouleverse par l’ordinaire de ses quêtes et conflits. 2008 marque l’effervescence de la technologie, avec tous les enjeux comiques comme tragiques que cela implique. En pleine crise existentielle, Chris plonge à cœur perdu dans son blog Myspace, sa chaîne YouTube, les tutos aussi utiles que ridicules,… Par l’utilisation du found footage, le réalisateur nous place au plus proche des farces de cette bande de garçons en quête de visibilité. Le film tire sa force par la précision du réalisateur sur la reconstitution d’une époque où tout est possible et accessible, dont les détails sont ici un réel biais d’identification.

L’âge du level up

Chris, c’est l’adolescent discret à l’appareil dentaire, capuche sur la tête. Sa voix déraille parfois, c’est pas le plus cool ou le beau gosse de la classe. C’est celui « qui fait des vidéos ». Par la proximité installée avec ce personnage imparfait, le réalisateur prolonge inévitablement notre identification. Il n’est alors pas surprenant de découvrir un nom tel que celui de Chris Columbus (Harry Potter, Maman j’ai raté l’avion !,…) à la production, tant l’enfance est si bien écrite.

Didi, Chris, Wang Wang, Asian Chris,… le personnage voyage avec une valise pleine d’identités. Provenant d’une famille d’origine taïwanaise, Chris est un être en constante mutation. Les défis se multiplient, il doit apprendre à être petit frère, fils, petit fils, adolescent, futur adulte, ami, amoureux,… Didi s’offre comme une histoire de métamorphose, où chaque étape rapproche le personnage de sa réelle identité et se ressent pourtant comme la fin du monde.

Le jour où j’ai tué ma mère

« Didi » signifie « petit frère ». Une fois le film terminé, et sans spoiler, le titre prend tout son sens. Au delà d’un film sur l’adolescence, c’est le portrait d’une famille (principalement féminine) et de l’incompatibilité de ses personnages qui est dressé. Les dialogues sont la force de ce premier long métrage, capturant les larmes qui bordaient déjà nos yeux. Cette petite maison américaine se transforme en colocation où les générations ont du mal à échanger sans crier. Elle devient un lieu où les « Tu as déjà mangé ? » se traduisent en « Je t’aime ». Dans ces scènes de vulnérabilité, les lumières se tamisent pour cacher les émotions et laisser parler les nôtres.

Le générique de fin se termine sur « For mom ». Ainsi, il n’y avait pas de fin plus logique à cet article qu’une conclusion sur la figure de la mère. Rares sont les films avec une représentation si honnête et fragile de ce personnage synonyme d’équilibre et de soutien. Joan Chen incarne ici une maman moderne, rigolote, franche, parfois complice de la spontanéité de ses enfants. Mais elle interprète aussi celle sur qui règne le poids d’une absence, des responsabilités, des rôles qu’on lui attribue. On rêve à ses côtés de qui elle aurait pu être. Peut être bien cette peintre talentueuse, dont les tableaux présents dans le film sont réellement de la main de la mère du réalisateur.

Didi Sean Wang
© Focus Features

Si Didi a remporté un prix du public au Sundance Film Festival, c’est bien parce qu’il crée avec nous un lien sensoriel et indélébile. Par son authenticité frappante, le film fait appel à nos souvenirs adolescents des années 2000 et entre droit dans nos cœurs.

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