Adam change lentement, premier long métrage de Joël Vaudreuil présenté au Festival d’Animation d’Annecy en 2023, déroule un coming of age estival doux-amer magnifié par ses idées de mise en scène.
Énième pierre à l’édifice du genre bien galvaudé des récits d’apprentissage mettant en vedette un adolescent malmené par la vie et ses proches, Adam change lentement tire pourtant son épingle du jeu par la brillante idée du corps en constante mutation d’Adam et par son esthétique aussi épurée que creepy.
“Adam, quinze ans, a une particularité extraordinaire : son corps se modifie en fonction des moqueries et des commentaires de son entourage. Pas évident pour un adolescent complexé. Alors que les grandes vacances commencent, Adam doit se coltiner deux jobs d’été : garder une immense maison avec un chat tronc et s’occuper du gazon de son voisin amoureux de sa tondeuse…”
L’enfer, c’est les autres
« J’ai toujours trouvé que t’avais un long tronc ». Cette phrase, prononcée sèchement par la grand-mère d’Adam avant de rendre l’âme, ouvre le film avec fracas. L’ambiance est alors à son apogée dans cette salle d’hôpital où toute la famille est réunie, avant que le tronc d’Adam ne s’allonge brusquement de quelques centimètres. Échine recourbée, bras longilignes, torse allongé, yeux écartés… Adam a tout d’un weirdos et ne suinte pas la confiance en soi.
Une série de flashbacks nous fait alors comprendre que son aïeule a toujours pris un malin plaisir à le critiquer physiquement, et que cet acharnement a rendu son corps modelable à l’infini en fonction des railleries qu’il prend en pleine poire. Et sa vilaine mamie n’est malheureusement pas la seule à sévir. De ses camarades de classe à sa grande sœur, en passant par la fille qu’il aime en secret, le jeune homme en prend pour son grade tout au long du film.
La métamorphose
L’idée de la transformation continuelle de la silhouette de cet ado’ bonne pâte est la plus fascinante d’Adam change lentement. Pour décupler notre empathie, déjà, mais également pour illustrer crûment le harcèlement, la violence et la dysmorphie dont est victime son personnage principal.
Quasimodo 2.0 aux yeux de tous, Adam ne se rebiffe pourtant pas vraiment, à notre grand dam. Il encaisse, rend gentiment service et préfère observer ceux qui le malmènent, constamment confronté à l’incompréhension, la stupidité et la brutalité banalisées de son entourage. Se réfugiant dans les films de ninjas qu’il adule, Adam se mue en une représentation rude, et attachante, de l’adolescent taiseux dénigré et rejeté par ses pairs qui tente de s’évader comme il peut dans un monde meilleur, le sien. La méchanceté, pierre angulaire du film, traverse Adam change lentement d’un bout à l’autre du récit, malgré une touche d’espoir dans son acte final.
Ambiance bizarre
Adam change lentement vaut par ailleurs le coup d’œil pour sa galerie de personnages insolites et son atmosphère aussi épurée qu’étrange. Avec son style graphique anguleux et rudimentaire, Joël Vaudreuil fait mouche en allant à l’essentiel sans s’embarrasser de détails futiles. L’animation saccadée sert le rythme lent, et parfois désarçonnant, de la narration et amplifie l’humour cinglant du film.
Rappelant l’esthétique de la série Beavis & Butt-Head, on est pourtant ici bien loin du manque de moralité de cette dernière. Les traits des visages de chacun des personnages revêtent par moment des pourtours inquiétants et bizarres. Et c’est avec du recul la bouille d’Adam qui est la plus douce de toutes. Qu’il s’agisse du petit voisin défiguré par un accident de balançoire ou du tonton chelou, les protagonistes humains sont à l’unisson des bestiaux qui parcourent le film, notamment le chat tronc de la famille bourgeoise du coin, toujours posé dans sa litière sauf pour ses cinq minutes de papouilles journalières.
Flirtant par endroit avec le fantastique, Adam change lentement, et son panel de personnages creepy, oscille régulièrement entre le body horror et le coming of age pour mieux appuyer ses propos. Entre empathie et ironie, Joël Vaudreuil ne tranche jamais dans le regard ambivalent qu’il pose sur ses personnages. Et malgré une trame plutôt classique, le réalisateur canadien captive par sa créativité et dresse le portrait cash et émouvant d’un adolescent mal dans ses pompes, s’octroyant par ailleurs un petit trip rigolo sur des sacs à crottes de chien plutôt délectable.