À Rome, à la fin des années 1980, Salvatore apprend la mort de son vieil ami Alfredo. Par cette nouvelle, c’est toute son enfance qui remonte à la surface : son village natal, en Sicile, quand on l’appelait Totò et qu’il partageait son temps libre entre l’église (où il était enfant de chœur) et la salle de cinéma paroissiale, Cinema Paradiso, où régnait Alfredo le projectionniste qui, au travers des films qu’il projetait, lui apprenait la vie.
Au travers de la vie de Totò, c’est le portrait d’un petit village de Sicile, de sa communauté et la découverte du cinéma que dépeint Giuseppe Tornatore avec nostalgie et douceur. Cinema Paradiso est une madeleine de Proust, qui berce chacun d’entre nous dans une époque surannée traitée avec tendresse. Le film s’attarde sur l’idée d’évolution, la salle de cinéma étant le réceptacle de la vie qui s’intensifie, se mue et qui devient ce que l’on connait, soit un tourbillon d’émotions, de sublimes bonheurs et d’importantes tragédies. L’évolution au travers de la vie de Toto, que nous voyons à plusieurs étapes de sa vie, l’évolution du cinéma lui-même au travers des films projetés, mais également l’évolution du village natal de l’enfant et de sa communauté, sensiblement transformée à chaque projection.
Une lettre d’amour au cinéma
Véritable lettre d’amour au cinéma dans son terme le plus large et le plus pur, Cinema Paradiso dessinera, dans une ultime séquence, les traits d’un amour sans faille aux émotions que les films peuvent avoir sur nous. C’est Alfredo (Philippe Noiret), juste avant son dernier soupir, qui va envoyer une bobine de film à son ami Salvatore (Salvatore Cascio), qu’il visionnera avec le spectateur dans un dernier élan de mélancolie et de tendresse. Cette bobine contient toutes les séquences qu’Alfredo a dû couper des films qu’il devait projeter, en raison de la censure de l’époque. Une bobine qui contient tout ce que le cinéma peut nous faire ressentir et tout ce qu’il demeure : un patchwork d’histoires et d’émotions qui finissent par nous marquer à jamais.
Une forme de cristallisation du cinéma et de son immortalité, qui colle à la peau de ceux qui s’y sont frottés, telle une poussière de rêveries. Un ultime hommage à cette magie que le cinéma procure et arrive à créer le temps de quelques heures, au fil des personnages que nous rencontrons au travers de l’écran des salles obscures.
De l’autre côté du miroir
Traitant ainsi de l’amour inconditionnel qu’on peut porter aux films qui jonchent nos vies, Giuseppe Tornatore parle également de l’amitié et des grandes heures du cinéma populaire. Ce cinéma qui vient souder une communauté, recluse au fond de l’île aux trois pointes, berçant chaque habitant dans une forme de douce rêverie, faisant oublier un instant les problèmes du monde. Un film d’apprentissage, parsemé de personnages picaresques à la Fellini, qui arrive à vaciller entre la douceur et l’amertume, la joie et la tristesse, exactement comme l’idée même du cinéma, nous ballottant d’une émotion à l’autre sans crier gare.
Une façon universelle de passer de l’autre côté du miroir, de fantasmer une vie rêvée loin de leur condition modeste et reculée, Cinema Paradiso bouleversera non seulement le spectateur mais également les personnages dépeints à l’écran qui viennent se bousculer aux destins dont il seront témoins dans la salle obscure de leur village.
Il faut alors se laisser porter par cette magie inhérente au cinéma, dans son sens le plus large. Hommage à l’amour du cinéma mais aussi aux petites mains qui perpétuent cet émerveillement sans fin, Giuseppe Tornatore réussit le pari de nous faire rêver, rire et pleurer, nous laissant un arrière goût amer mais profondément doux sur cette vie interne que peut nous faire ressentir les salles obscures et les histoires qui s’y bousculent.
Cinema Paradiso ressort le 7 juillet au cinéma dans une magnifique restauration 4K.