Sans oublier de mentionner les problèmes de reconnaissance du jazz aujourd’hui, Blue Giant décortique le genre grâce au rêve fou de trois musiciens.
Sorti au Japon en février dernier, il faudra attendre encore un peu avant de pouvoir découvrir en France Blue Giant de Yuzuru Tachikawa. Mais il sortira bien au cinéma grâce au distributeur Eurozoom, après sa présentation en séance évènement au Festival international du cinéma d’animation d’Annecy !
Loin d’être un film d’animation japonais original, il est adapté d’un manga à succès intitulé Blue Giant et créé par Ishizuka Shinichi. Il a été divisé en plusieurs parties : une qui s’intéresse à son parcours au Japon, une qui s’intéresse à son parcours en Europe, et une qui s’intéresse à son parcours en Amérique. Plus difficiles d’accès et moins nombreuses que les oeuvres sur le sport, celles sur la musique ont tout de même connues des fulgurances (Nana, Your Lie in April…), mais presque jamais avec le jazz. Dans Blue Giant, il s’agit bien de ce genre musical dont il sera question.
« Miyamoto Dai, un étudiant passionné par le basket, décide de changer de vie du jour au lendemain après avoir assisté pour la première fois à un spectacle de jazz. Comme hypnotisé par ce type de musique auquel il ne connaît rien, le jeune homme décide de se consacrer corps et âme au saxophone, et fait du jazz sa nouvelle passion. Parviendra-t-il à devenir un grand musicien ? »
Les japonais gilets jaunes !
Rares sont les films d’animation japonais sur la musique, et encore plus rares sont les films d’animation sur le jazz. Blue Giant permet au jazz de continuer à exister auprès des plus jeunes grâce à son succès public et critique. Son adaptation au cinéma est une encore plus belle nouvelle, puisqu’elle permettra à un plus grand nombre de spectateurs de découvrir cette oeuvre riche et inspirée. Si le propos du film réside plutôt dans la réflexion sur le travail et le talent, une problématique souvent soulevée dans le cinéma musical (quel meilleur exemple qu’Amadeus de Milos Forman ?), Blue Giant évoque surtout l’amitié entre trois hommes rassemblés par la musique.
Dai vient de la campagne, et découvre la vie à Tokyo. Toute la première partie du film nous immerge dans cette transformation difficile et prouve qu’il est presque impossible d’y vivre en tant qu’artiste sans être aidé ou sans connaître du monde. C’est justement ce qui permet à Dai de tenter sa chance dans cette nouvelle vie : connaître un ami vivant à Tokyo pour s’y loger. Quelques séquences montrent même sa réaction face aux montants des loyers dans la mégalopole japonaise. Il ne s’agit pas là d’un manga où le héros progresse petit à petit, mais bien un protagoniste déjà bien avancé au départ, à la limite du génie pour son jeune âge.
Rapidement, le réalisateur met en avant l’impopularité du jazz aujourd’hui dans ce live bar où plus personne ne s’y produit, l’âge vieillissant des musiciens ou des spectateurs qui n’en ont jamais entendu.
Le jazz avant tout
C’est justement la question du renouvellement qui est posée dans le film. Il n’est plus envisageable de faire vivre un genre musical en appliquant les mêmes formules encore et encore mais bien d’apporter quelque chose de nouveau afin qu’il survive. C’est la rencontre avec Sendai qu’il voit pour la première fois dans un bar musical qui plonge le film dans une autre dimension, celle de la création d’un groupe. D’abord à 2 (saxophone, piano), puis à 3 (batterie). Succèdent ensuite les scènes habituelles liées aux groupes : le nom, les membres, les premiers concerts, les entraînements… Comme la difficulté de dessiner un manga sur la musique sans son qui repose sur la qualité des dessins, la mise en scène doit plonger le spectateur dedans et c’est ce qu’elle réussit à faire.
En s’inspirant de Bill Evans, Miles Davis ou encore Charlie Parker, la bande-son de Blue Giant nous permet de vivre les scènes. Le spectateur est souvent face aux reflets des instruments, toujours dans un mouvement constant, et les plans sur les éléments dans le public et les instruments sont nombreux, comme pour montrer la parfaite osmose entre les musiciens et les spectateurs. Tout se joue dans les détails, on y entend même les respirations au saxophone.
Mode facile
Cependant, le film souffre d’un grand manque d’obstacles. Tout sourit à nos trois personnages qui semblent avancer très vite malgré leur manque d’expérience, surtout l’un des trois qui débute tout juste à la batterie. Même si l’animation convainc dans son ensemble, elle pêche par son irrégularité tout au long du film, avec des plans qui ne semblent pas terminés. En particulier, ceux qui sont éloignés des personnages.
On retrouve également dans le film, parsemé à plusieurs endroits, un aspect docu-fiction sous-exploité. On y voit plusieurs personnages témoigner sur cette période où ces trois amis ont fait de la musique ensemble. C’est un élément que l’on retrouvait par exemple plus tôt cette année dans la série Daisy Jones and The Six, mais qui fonctionnait car présente tout du long et pas seulement pour créer des transitions.
Avec ses scènes de musique prenantes, Blue Giant réussi le pari d’adapter le manga en long-métrage d’animation. Si le film est divertissant, ses quelques défauts narratifs et visuels l’empêchent de nous cueillir totalement.
On a hâte de voir ça ^^