Quand le désespoir prend le dessus, l’humain disparaît sous un voile rempli d’obsessions. Henry et Audrey, un couple âgé, décident de ramener en vie leur petit fils Jackson au détriment de leur bon sens.
Le réalisateur canadien, Justin G. Dyck, n’en est pas à sa première réalisation cinématographique. Toutefois, Anything for Jackson signe sa première expérience dans le cinéma de genre, ses réalisations s’apparentant le plus souvent à la comédie romantique. Même s’il est légitime de s’attendre à un film d’horreur classique, avec son lot de scènes inquiétantes, le long-métrage y gagne à creuser certaines de ses ressources dans le drame familial.
Se créer son propre enfer
L’impact du deuil et des maux qu’il cause sur les personnages principaux est la ligne directrice du récit. Toutes les actions- plus folles les unes que les autres – d’Audrey (Sheila McCarthy) et Henry Walsh (Julian Richings) sont motivées par l’espoir torturé de redonner un second souffle aux êtres aimés. En l’occurrence, à leur petit-fils Jackson, tragiquement décédé dans un accident de voiture. Pour mener à bien ce projet, le couple s’initie à des rituels sataniques extrêmement dangereux. Ils kidnappent et séquestrent une femme enceinte afin que celle-ci et son bébé à naître servent d’hôte au défunt. Dès lors, leur foyer déjà brisé se met à abriter une future mère terrorisée par cette famille qui semble avoir perdu toute raison.
L’importance de la famille est un des thèmes majeurs de cette histoire de fantômes. La famille est aussi bien une source de motivation qu’une prison qui se referme sur les protagonistes. Le couple Walsh ne ressemble pas aux actes qu’ils commettent, ce qui crée une confusion profonde. Ils sont montrés comme des gens soucieux du bien-être de leur otage – ils lui répètent à plusieurs reprises qu’ils ne veulent pas la blesser – mais paradoxalement, sont prêts à ôter une vie pour prioriser celle de leur descendance. La confusion est d’autant plus forte lorsque Audrey tentent d’effectuer des tâches extrêmement maternelles et bienveillantes : aller préparer des cookies en cuisine, mettre du tissu autour des menottes de son otage pour que celle-ci ne souffre pas…
Le couple Walsh, en s’initiant à ce qu’ils ne maîtrisent pas, provoquent une rupture dans la réalité. Morts et vivants partagent la même demeure. L’entente n’est – évidemment – pas des plus cordiales. Ces deux personnages se créent leur propre enfer, s’oubliant en tant qu’êtres vivants. Les fantômes qui apparaissent de plus en plus nombreux et menaçants sous leur toit ne sont qu’une conséquence dramatique. De même qu’ils représentent une personnification de leur prison intérieure, remplie de peine et de regrets.
Le spectateur dans une position d’otage
La femme kidnappée par les Walsh, Shannon Becker, ne fait pas seulement office d’hôte pour les esprits qui verraient en elle un moyen de résurrection. Elle est également l’hôte du spectateur. C’est à travers ce personnage qu’il devient plus facile de suivre et de ressentir l’histoire. Sous ses yeux apeurés et ses hurlements qui appellent à l’aide, elle est le seul personnage rationnel de cette situation invraisemblable où tous les autres interlocuteurs paraissent fous et perdus dans les limbes.
Par ailleurs, ce personnage ne fait pas seulement figure de victime. En effet, son arc narratif est légèrement développé grâce à quelques flashbacks intelligemment intégrés. Ainsi, le spectateur apprend que sa grossesse n’est d’abord pas prévue ni désirée mais qu’au fil du temps, ce personnage l’accepte allant jusqu’à développer une fibre maternelle. Cette progression dans la narration contribue à développer une forme d’empathie pour elle. Il est une fois encore question de famille et de la manière dont chaque protagoniste l’aborde. Pour les Walsh il s’agit d’un deuil impossible à exorciser. Tandis que pour Shannon Becker, le processus est inversé puisqu’il s’agit d’une naissance à appréhender.
Anything for Jackson parvient à activer et développer la phobie – pourtant classique – de la figure du fantôme. La hantise en est profonde, qu’il s’agisse de fantômes inconnus ou de ceux qui nous sont chers. Justin G.Dyck parvient à rendre l’horreur attractive sans user de trop de lourdeurs, malgré quelques facilités narratives.