Est-il possible de continuer à vivre malgré toutes les horreurs que la vie peut mettre en travers de notre chemin ? Malgré une forme brutalement cauchemardesque, When Evil Lurks véhicule un véritable message d’espoir.
Comme dans de nombreux films d’horreur et de survie, il y a plusieurs règles à suivre. Pour autant, cette fois, Demián Rugna fait le choix de s’éloigner des stéréotypes et laisse de côté la jolie blonde à la vie sexuelle débridée qui succombe dès les trois premières minutes. Dans When Evil Lurks, le mal frappe là où on ne l’attend pas, principalement chez l’être qui semble le plus innocent, que ce soit le jeune enfant qui ne demande qu’à être protégé ou l’animal adoré de toute la famille. Et c’est bien là que réside la véritable terreur.
« Alors que deux frères font la découverte d’un cadavre mutilé près de leur propriété, ils réalisent peu à peu que des événements étranges surviennent dans leur village. Un esprit démoniaque aurait pris possession d’un homme au cœur d’une maison apparemment sans histoire. »
Un véritable cri du cœur
Dès les prémices de ce grand prix de la critique et du jury au Festival de Gérardmer, les images poisseuses et suintantes nous plongent dans une ambiance à la Seven de David Fincher ou encore à la 3 Billboards de Martin Macdonagh. Ainsi, le réalisateur nous dépeint un paysage argentin où règne désolation, aridité et désespoir. Et si Demián Rugna fait le choix d’un tel décors, ce n’est pas anodin.
En effet, le cinéaste argentin a emprunté les codes du cinéma de genre afin de faire passer un message de taille. Car de nombreux territoires d’Amérique latine sont souillés par les pesticides et autres plantations OGM. « En Argentine, il y a de très grandes terres avec des plantations. Les pesticides sont en train de tuer des gens. Les agriculteurs, les enfants souffrent de cancer et en meurent […] Cette idée d‘une maladie qui surgit au milieu de nulle part et qui n‘inquiète personne a été l‘une des principales inspirations », explique le réalisateur.
Dans la première partie du film, un policier incrédule face aux rumeurs de possession s’interroge : « Nous vivons dans le trou du cul du monde. Pourquoi y aurait-il un possédé ici ?». Une question qui résume très justement tout l’intérêt du film. Jusqu’à quelles extrémités faut-il aller pour qu’on reconnaisse enfin la réalité de l’impensable ?
Si le long-métrage s’inscrit dans le même veine que It Follows de David Robert Michel, c’est notamment car on ne peut jamais véritablement échapper au mal. Il y a toujours quelque chose qui vient nous rattraper, que ce soit la maladie, le passé ou bien la mort. Éliminer le mal par le mal n’a jamais été la solution et When Evil Lurks l’a bien compris.
Du body horror réaliste
Si vous espérez un film avec des tonnes et des tonnes d’hémoglobine et un moment pour se vider la tête, When Evil Lurks n’est sans doute pas la séance pour vous. Bien entendu, certaines scènes sont très difficiles à soutenir du regard. La maltraitance en vient à un point tel que l’humain n’est plus considéré comme un être doué de sensibilité. Toutes ces actions extrêmement pénibles à visionner ne sont en réalité que le résultat de la peur de l’inconnu, de ce qui pourrait se passer si on décidait de rester dans l’ignorance.
A titre personnel, les sécrétions qui me donnent le plus de haut le cœur ne sont ni le sang, ni les tripes, ni le vomi ou les excréments mais bien le pus qui semble représenter tout ce qu’il y a de plus immonde et de plus pestilentiel au sein de l’être humain. Et avec When Evil Lurks, vous serez servis plus que de raison. Si dans Seven de David Fincher, il est question des sept péchés capitaux exploités par un tueur en série particulièrement créatif, ici, Demián Rugna n’omet aucuns vices.
When Evil Lurks n’est pas un film qui fait peur à proprement parler, vous n’y trouverez pas de jumpscare ou de ressorts éculés du cinéma de genre. Cette oeuvre se situe plutôt dans la terreur et l’angoisse. Elle soulève de nombreuses interrogations sociologiques et philosophiques. Pourquoi certaines personnes adoptent des comportements si étranges ? Pourquoi certains rituels semblent ils si importants aux yeux de certains ? Existe-t-il une issue heureuse après tant d’horreur ?
Un style naturaliste
Le cinéma de Demián Rugna se veut sans concession, sans aucune bonne manière. Les dialogues entre les personnages sont crus, rugueux et ne laissent aucune place à la bienséance. L’urgence de la situation prime sur tout. Si le film prône la lenteur et la réflexion, la seule chose qu’on souhaite c’est hurler et prendre nos jambes à notre cou.
Côté photographie, on flirte avec le documentaire car le réalisateur fait notamment le choix de la lumière naturelle. Dans un premier temps, les images semblent être filmées au crépuscule pour renforcer ce sentiment de mystère. Ce n’est qu’au bout d’une trentaine de minutes que la lumière du jour vient éblouir le téléspectateur, synonyme de passage à l’action. Le choix de la lumière naturelle et ces plans quasi documentaires donnent au film une dimension d’autant plus réaliste.
Une horreur au temps long
Ce nouveau cinéma d’horreur, dont fait partie When Evil Lurks, joue sur nos peurs les plus profondes. Celles de ne plus être aimé par nos proches, d’être abandonné, de se retrouver face à la vie, mourir, ou pire encore, dire adieu aux personnes qu’on aime. Je vais vous faire une confidence, il y a certaines scènes que j’ai regardé cachée derrière mes doigts, tellement la tension était insupportable – et je ne pense pas être une âme sensible.
When Evil Lurks s’inscrit dans la lignée de films qui nous font regretter que le cinéma de genre ne soit pas pris d’avantage au sérieux, à l’image de celui du grand Ari Aster (Hérédité, Midsommar, Beau is afraid), de Julia Ducourneau (Grave, Titane) ou encore de David Robert Mitchell (It Follows).
Aussi pourris soient les tréfonds de l’humanité, la seule chose à faire est de creuser pour enfin comprendre et expier le mal. La vérité n’a jamais été aussi libératrice. En somme, foncez voir When Evil Lurks dans les salles obscures si vous voulez affrontez vos pires peurs. Sinon, restez bien au chaud devant la rediffusion de la Reine des neiges, cela vaudra mieux.