Trois années après le surprenant Ready Player One, mettant une nouvelle fois la planète cinéma à ses pieds, Steven Spielberg revient avec sa version de la comédie musicale légendaire West Side Story.
S’attaquant pour la première fois à ce genre cinématographique et n’ayant plus rien à prouver à qui que ce soit, c’est l’esprit tranquille et la passion au cœur que le cinéaste s’attèle à offrir aux nouvelles générations son hommage à West Side Story, chef d’œuvre créé par Arthur Laurents, Leonard Bernstein et le regretté Stephen Sondheim, disparu en novembre dernier.
Les Sharks et les Jets, deux bandes des quartiers ouest new-yorkais, se mènent une guérilla sans relâche. Tout est mis en place par les autorités pour calmer le jeu et apaiser les tensions entre les bandes rivales. Mais Tony (Ansel Elgort), membre des Jets, tombe amoureux de Maria (Rachel Zegler), la sœur de Bernardo (David Alvarez), le leader des Sharks. Cette romance n’est pas vu d’un très bon œil, et une guerre sans merci est lancée. Aucune marche arrière ne semble possible…
L’ombre du passé
Pour le 35ème long-métrage de sa longue et prolifique carrière, Steven Spielberg offre aux spectateurs la revisite de ce classique de la culture américaine. Si le pari parait ardu aux premiers abords, l’amour et l’ambition qu’il porte au projet va lui permettre de nous le porter à l’écran, pour un des spectacles les plus impressionnants de l’année 2021.
Inévitablement comparé à son prédécesseur de 1961, réalisé par Robert Wise et Jerome Robbins, le West Side Story « new generation » ne pâlit pas devant les 10 Oscars (dont meilleur film et meilleur réalisateur) que la première œuvre a pu remporter. Amoureux du matériau original, Spielberg offre avec une liberté totale l’œuvre qu’il a tant aimé, sans se laisser aspirer par le succès d’un film incontournable. Des chorégraphies moins statiques, une tendresse émotionnelle plus perceptible et un rythme saccadé dans un tempo parfait, il revisite ne serait-ce qu’avec ces éléments-ci les fondements du chef-d’œuvre de Broadway, sans jamais le dénaturer.
Des modifications imparfaites
Suivant cette envie de s’approprier le matériau original, Steven Spielberg se permet d’y apporter quelques modifications importantes. Les fans de la première heure remarqueront rapidement la disparition de Doc, le gérant du magasin. Ici, sa veuve Valentina prend sa place, interprétée par la merveilleuse Rita Moreno (l’inoubliable interprète d’Anita dans la première adaptation). La tendresse du personnage va aussi rajouter de la profondeur à celui de Tony, qui en semble malheureusement bien dépourvu. Le film de 1961 nous le présente comme un jeune homme avec de bonnes manières, sans jamais véritablement aller plus loin. Dans la version moderne, Tony sort fraîchement de prison, un détail qui explique son aversion et ses craintes envers le conflit qui oppose les Sharks et les Jets.
Mais malheureusement, cette différence ne permet pas à Tony de changer de registre et de devenir un personnage touchant, le jeune homme étant toujours guidé par des pulsions irréfléchies. Il agace, et n’apporte aucun message concret au récit, si ce n’est que « l’amour rend benêt ».
L’art de la caméra
Une fois encore, avec West Side Story, Spielberg nous transporte au cœur d’une véritable chorégraphie. Sa caméra va et vient dans l’espace, ne s’imposant aucune limite, comme si la physique n’existait plus.
De façon singulière, l’image se promène dans les plans. En ne se contentant pas de simplement virevolter autour des danseurs, Spielberg leur permet une grande liberté de mouvement, invitant par ce fait le spectateur dans les célébrations. La barrière du réel s’effiloche, et le film nous attrape d’une force inattendue. L’ingéniosité de la mise en scène ne s’arrête pas là. Steven Spielberg joue une carte intéressante en connectant ses différentes séquences par des changements brutaux d’ambiance. On passe d’une euphorie criarde et aux couleurs vives du gymnase à un clair-obscur kitsch de studio. Chaque séquence se construit comme un tableau, posant le cadre et le thème de manière limpide.
Séparées par les 2h36 que durent le long-métrage, les scènes d’introduction et de conclusion semblent se répondre par de sublimes plans aériens. Pour appuyer le fait que le spectateur sera bel et bien actif dans le récit, il entreprend de le déposer à terre au commencement avant de l’en extirper dans son dénouement. Classique diront certains, scolaire diront d’autres. Pour autant il n’existe pas de façon plus douce de s’intégrer à une histoire, pour enfin s’en retirer lentement.
Malgré un score décevant au box-office, probablement soufflé par la dernière Marvellerie en date, West Side Story offre une vision moderne d’un récit pourtant bien ancré dans son époque. Steven Spielberg continue d’écrire sa légende, et nous fait bien comprendre que son cinéma nous accompagnera pour toujours.
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