Waiting for the barbarians est un film doté d’énormément de possibilités qu’il n’exploite pas, pour laisser place à des personnages stéréotypés dans un univers faussement imaginatif.
Présenté en première au Festival de Deauville avec la présence exceptionnelle de Johnny Depp, Mark Rylance et les 2 producteurs du film, Waiting for the barbarians est une adaptation du roman éponyme de J.M. Coetzee. Le pouvoir central s’inquiète de la montée en force des barbares et envoie sur place le colonel Joll qui doit assurer la paix.
Le film a un potentiel monstrueux, notamment du côté de son casting impressionnant (Johnny Depp, Mark Rylance, Robert Pattinson), mais la subtilité n’existe pas et le film sombre rapidement pour nous emporter dans un conte répétitif. Le film est divisé en 3 parties, 3 chapitres qui représentent 3 saisons mais également 3 changements radicaux : la première s’intéresse à l’introduction du lieu, la monstruosité du colonel Joll et la rencontre avec une jeune femme. La seconde est intitulée « The Return » et la dernière « The Ennemy ». C’est dans un semblant d’ordre que s’installe le désordre. Le monde imaginaire dans lequel sont dépeints les évènements et les personnages aurait pu prétendre à l’originalité du film, mais il s’agit au final que d’une piètre excuse pour dérouler un récit qui manque de subtilité.
Les personnages sont des stéréotypes ambulants : il y a le méchant, le sous-méchant, les gentilles victimes, et le méchant qui se rend compte que ce n’est pas bien d’être méchant. Le dernier film de Ciro Guerra (Les Oiseaux de Passages) souffrait déjà d’un manque narratif important. Contemplatif mais surtout exposant la place de l’Homme dans des grands espaces inexploités, le second chapitre enterre totalement le film. Bien entendu, on pourrait penser à différentes interprétations de ces « barbares » aujourd’hui, comme une volonté d’intemporalité qui aurait pu fonctionner avec plus de subtilité.
Des amérindiens aux migrants, des pauvres aux SDF, le film dépeint avant tout des minorités exploitées et craintes par l’autorité pour des raisons habituelles : la crainte de l’Autre et la crainte de l’étranger. Une certaine volonté de transposer les motivations racistes et les présupposés (ce que fait mieux un film comme American Skin). Si quelques scènes sont intéressantes pour ce qu’elles veulent dire, c’est avant tout grâce à la performance saisissante de Mark Rylance qui séduit par son humanité cachée. Lorsqu’il se décide à laver les pieds et le corps de la jeune étrangère, il est avant tout dans cette optique de rédemption personnelle, il se lave de ses péchés en pensant faire le bien, ce qui devient petit à petit un lavage de crâne pour se l’approprier.
Waiting for the barbarians est un film que l’on oubliera rapidement. Si l’on devait retenir qu’une chose, c’est la performance de Mark Rylance dans un film qui tente d’exposer une réflexion poussée de notre société mais qui échoue par son manque de subtilité et ses seconds rôles sur-joués (comme Johnny Depp).