Quand on pense à nos premiers battements de cœur hors du ventre de notre mère, on pense immédiatement à la difficulté de nous avoir porté presque un an, mais surtout à celle d’accoucher, parfois péniblement. Mais avant d’en arriver là, il ne faut pas oublier les personnes comme Jeanne qui travaillent nuit et jour, souvent dans des conditions intenses, en tant qu’auxiliaire. Grâce à eux, on peut voir le jour.
Adapté du roman Chambre 2 de Julie Bonnie paru en 2013, il s’agit de la troisième collaboration entre Marion Laine (réalisatrice et scénariste du film) et Sandrine Bonnaire. Voir le jour dépeint le quotidien de Jeanne et ses collègues qui se battent pour défendre la vie malgré les embûches.
Simone dans Les signes vitaux (2010) de Sophie Deraspe et Benjamin dans Hippocrate (2014) de Thomas Lilti ont dernièrement rendu hommage au travail considérable effectué par le personnel soignant depuis la nuit des temps. Simone devenait bénévole au centre de soins palliatifs tandis que Benjamin effectuait son premier stage d’interne dans un hôpital. On pourrait aussi citer Médecin de campagne, Patients, L’ordre des médecins…les exemples font légion dans le cinéma français contemporain. Comment aborder le monde médical sans prendre le risque de se répéter ? Voir le jour prouve qu’il est possible d’aborder un sujet maintes et maintes fois exploité sans paraître répétitif, autant dans le fond que dans la forme.
La séquence d’introduction du film est un plan séquence qui suit Sylvie (Aure Atika) et Jeanne (Sandrine Bonnaire) à l’entrée d’un hôpital en suractivité. Le spectateur est immédiatement plongé dans le quotidien pesant et sous-pression des auxiliaires qui semblent contrebalancer cette morosité par leur bonne humeur et leur professionnalisme de compétition.
Si la forme est sans doute le point faible du film, elle lui aura au moins permis de démarrer sur des chapeaux de roues et de la meilleure manière qui soit. Si la majorité du film nous lie au personnage de Jeanne, nous faisons également la connaissance de Francesca (Brigitte Roüan) et Mélissa (Sarah Stern), mais jamais dans le but de nous les présenter. Dès le premier coup d’œil, on s’imprègne de leur personnalité, de leur bienveillance, d’une certaine sororité mais aussi du caractère accessible de ces femmes. On croise aussi Jennifer, la nouvelle stagiaire, qui représente l’œil omniscient et intrusif du spectateur.
Même si la première partie du film qui montre la fatigue, la surexploitation et la pression nous semble familière, le personnage de Jeanne marque une réelle rupture dans cette narration encore classique. Alors qu’on nous présentait ce train-train habituel, Voir le jour refuse de ressembler à ses pairs et bascule dans le drame intime. Tandis que Zoé découvre le passé enfoui de sa mère, Jeanne nous plonge dans ses souvenirs, dans un espace temps presque trop loin pour s’en rappeler et où la joie côtoie la tristesse, et où la tristesse devient nostalgie. En plongeant dans l’intimité de son héroïne, Voir le jour ne délaisse pas le monde médical, loin de là. Il montre avec parfois un peu de maladresse la prise en charge souvent douloureuse de ses choix de vie. Sandrine Bonnaire y est solaire.
Derrière le quotidien de ses femmes se cache un passé, une vie familiale, et c’est le renouement avec le vieux temps qui plonge Voir le jour dans une poésie douce, humaine, et permet aux personnages de continuer à exister en tant qu’être humain malgré les difficultés rencontrées dans la vie de tous les jours.
Disponible en DVD/Blu-Ray à partir du 1e décembre 2020