Recherche appartement ou maison : Vivarium commence comme une version (encore plus) creepy d’une émission de Stephane Plaza sur M6.
« Dans Vivarium, un jeune et modeste couple, Tom et Gemma (Jesse Eisenberg & Imogen Poots) rencontre un agent immobilier, dans l’espoir d’acheter un premier bien pour construire leur famille. Mais le réalisateur Lorcan Finnegan a un autre programme pour eux : une dystopie désenchantée et misanthrope sur la vie de la classe moyenne. »
Ah, les folles joies de la propriété privée ! S’endetter sur 30 ans à taux 1,5%. Acheter son pavillon de banlieue avec son carré de jardin ; y vivre ; y mourir. Tel est, cyniquement résumé, le désir de beaucoup de citoyens du monde occidental, qui n’ont tout simplement pas les moyens financiers de se payer un rêve plus confortable matériellement.
L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier
Plutôt que de nous assommer avec une chronique sociale sur la tragédie du déclassement de l’humain moderne, Lorcan Finnegan choisit la voie de la science-fiction dystopique. Car ses héros Tom et Gemma vont se trouver littéralement prisonniers de leur lotissement sans âme, à l’architecture d’une monotonie toute soviétique – un comble pour cet aménagement urbain symbole du capitalisme. Mais être captif de leur habitat prolétarien n’est pas le seul problème. C’est toute leur existence qui prend un tour cauchemardesque.
« Comme la fraise a goût de fraise, la vie a goût de bonheur » écrivait le philosophe Alain. Que vaudrait une vie où ces fraises n’auraient plus de goût ? Où les aliments n’auraient plus de saveur, où les plats lyophilisés sembleraient tous sortis de l’entreprise Tricatel de l’Aile ou la Cuisse ? Que vaudrait une vie où les besoins humains fondamentaux conceptualisés en pyramide par Maslow, seraient démolis comme une maison Phénix ? Une vie qui ne consisterait qu’à travailler, procréer et voter Emmanuel Macron ?
Le lotissement des damnés
Le vivarium est un enclos, une cage, où le biotope d’une espèce emprisonnée est reconstitué. La classe moyenne est une cellule dont on ne s’échappe pas. On n’échappe pas à la tristesse de son quotidien uniforme, à la tragique neurasthénie des jours qui passent. Rien n’a de goût, rien n’a de charme, et la libido se perd aussi vite que l’espérance. Quand l’enfant nait, il ressemble davantage aux Freaks lobotomises du Village des Damnés qu’à un bébé Cadum.
Tout ceci pourrait facilement être plombant, mais Finnegan ne manque pas de sarcasme pour dépeindre le tragique de la situation. L’humour de Vivarium est grinçant comme une porte de prison, et malgré son tout petit budget (On parle de 5 millions de dollars, une misère au prix du secteur), le film est solide, bien construit, avec de beaux volumes. Les décors empruntent, avec à-propos, l’esthétique proprette des années 50, rappelant la fausse innocence de l’american way of life. Jesse Eisenberg et Imogen Poots, quant à eux, incarnent avec candeur ce jeune couple enthousiaste se fracassant sur la dure et banale réalité de la vie d’adulte.
Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade
Vivarium ne fait pourtant qu’asséner une évidence dont chacun se doutait : La banlieue c’est pas rose, la banlieue c’est morose. Vivre en lotissement, ne pas avoir de loisir, mal manger, et enfanter un gosse braillard, ce n’est pas le summum de l’existence agréable. C’est peut-être pour cela qu’au bout d’une heure de film, la métaphore animalière du vivarium croulant sous la lourdeur tautologique, il n’y a finalement plus grand-chose à raconter. Le script se trouve alors obligé de virer à l’action balourde, de forcer ses traits, d’asséner son allégorie à la truelle comme un Lars Von Trier maussade.
Il serait pourtant injuste de reprocher à cette satire son excès de cynisme, à contre-courant du consumérisme servi quotidiennement dans les médias. Comme le fit autrefois Carpenter (pas toujours très subtilement non plus), Finnegan prend ici le risque de déplaire et de braquer le spectateur mainstream venu au cinéma « pour se détendre ». Avec férocité mais non sans humour, à la manière de la série Black Mirror, Vivarium interpelle son auditoire sur la vacuité de son existence. On ne sort pas de la séance en étant tout à fait le même.
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