Fidèle à l’esprit de la saga vidéoludique tout en sachant être audacieux, Uncharted démontre le chemin parcouru dans le milieu de l’adaptation de jeu vidéo au cinéma. Sans être parfait, le film semble pourtant redonner ses lettres de noblesse à cette tendance cinématographique.
Plus d’une décennie après le début de son développement, Uncharted, réalisé par Ruben Fleischer et porté par Tom Holland et Mark Walhberg (ils jouent respectivement Nathan Drake et Victor Sullivan), sort sous la nouvelle bannière PlayStation Productions. La firme gère désormais, en étroite collaboration avec Sony Pictures, les adaptations de licences de jeu vidéo de PlayStation au cinéma. Le long-métrage aborde – élément presque inédit dans la série des jeux puisque déjà traité sous un angle différent – la jeunesse de Nathan Drake et le moment charnière de sa rencontre avec Victor “Sully” Sullivan, qui va l’introduire dans le monde des chasseurs de trésor.
Un Drake plus mature
La saga Uncharted avait marqué un tournant en 2016 avec la sortie d’Uncharted 4: A Thief’s End et Uncharted : Lost Legacy en 2017. Contrairement aux trois premiers jeux, ces deux derniers avaient fait, sous la direction de Neil Druckmann, un pas en avant en termes de profondeur et de maturité d’écriture. Notamment, dans les relations entre les personnages principaux ou les motivations des antagonistes.
Le film Uncharted développe ainsi un héritage intéressant par rapport aux jeux dont il s’inspire. En effet, il suit la voie de la maturité empruntée par les deux derniers opus, tout en rendant à l’écran toute la magnitude et l’irréalisme assumé de l’action des trois premiers. De ceux-ci, Ruben Fleischer retient surtout le mélange entre humour et émotion. Mais sa réussite se révèle dans un équilibre entre l’ensemble de ces notions, alors que la promotion du film pouvait clairement faire penser le contraire.
Une adaptation fidèle
Ainsi (et dans cette partie se retrouveront plus les fans des jeux que ceux qui verront le film sans jamais y avoir joué), Uncharted reste plutôt fidèle à l’esprit de la franchise de Naughty Dog [la société américaine de développement à l’origine du jeu, ndlr]. A l’instar de cette dernière, Uncharted mêle des scènes d’action souvent spectaculaires – et parfois même plus surréalistes que celles d’un Mission Impossible –, avec des moments d’exploration et de résolution d’énigmes. Cette recette, éculée dans le jeu vidéo comme au cinéma, ne fait certes pas d’étincelles, rendant parfois le scénario plutôt prévisible. Elle reste cependant exécutée avec efficacité.
De même, la fidélité aux jeux se retrouve aussi dans la manière dont Ruben Fleischer a dirigé ses acteurs. Avec un florilège de « oh crap » caractéristiques de Nathan Drake, Tom Holland convainc en aventurier de l’extrême. Comme il l’a dit lui-même, la fidélité de son interprétation n’en est pas moins un gage de qualité, car il a parfois pu privilégier l’action et la « pose » au détriment de l’interprétation. De son côté, si Mark Walhberg fait le job en Sully, son personnage souffre de la classification du film – qui se veut accessible à tous les publics. Ceci l’empêche d’enchaîner les blagues salaces et remarques incongrues pour lesquelles il est connu dans les jeux.
Une distance suffisante pour se construire une identité propre
Lors de la promotion du film, Ruben Fleischer identifiait sur le problème majeur des adaptations de jeux vidéo au cinéma : « Une partie du problème c’est que [les autres films] essaient de recréer les jeux. Parce que les joueurs ont eu une expérience si viscérale, je ne pense pas qu’il soit possible de rivaliser avec cela. » Là était toute la difficulté dans la production et la réalisation d’Uncharted.
À ce titre, les équipes se sont permis des libertés pour éviter de tomber dans la redite. Une liberté qui passe notamment par le travail du musicien Ramin Djawadi (Game of Thrones, Westworld), qui a eu carte blanche pour recomposer les musiques les plus connues d’Uncharted. Mais surtout par la décision de filmer un Nathan Drake jeune, tout en introduisant dans le scénario plusieurs références aux moments iconiques des cinq jeux. Ces décisions débouchent sur la création d’une histoire originale.
Un souffle inédit
De ce fait, même si le scénario ne montre rien d’exceptionnel et suit un cahier des charges plutôt convenu propre au genre de l’action-aventure, il se dote d’un souffle inédit qui nous emporte malgré tout.
Le film se permet même une certaine réflexion à propos de la responsabilité de Nathan Drake sur toutes les vies qu’il ôte dans son chemin vers la gloire – un versant moral totalement absent dans les jeux.
Classique dans sa construction, Uncharted ne se démarquera peut-être pas forcément dans le genre des films d’action hollywoodiens. Son originalité réside plutôt en sa qualité de premier film de PlayStation Productions, en tant que film porteur d’attentes qu’il parvient à satisfaire. Bonne adaptation tout en parvenant à se construire une certaine identité, Uncharted a donc tout du bon premier essai pour PlayStation, qui devra néanmoins hausser le niveau dans ses prochains films. Pourquoi pas dans Jak & Daxter, avec, une nouvelle fois, Ruben Fleischer confirmé à la réalisation ?
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